Lady Gaga - Stade de France - 22/09/2012

En 2008, le phénomène Lady Gaga explosait avec le single Just Dance, confirmé par les tubes Poker Face et Paparazzi. Le personnage perforait la sphère mainstream, à travers, certes, quelques frasques carnivores. La grande force de Gaga fut de compléter son premier album, un an plus tard, par des titres encore plus accrocheurs sur The Fame Monster. Les clips de Bad Romance, Telephone et Alejandro témoignent d'un sens inné de mélodie et d'une sophistication de son image. La tournée qui suivit, immortalisée en dvd au Madison Square Garden, confirmait ses talents de chanteuse, de danseuse, de performeuse au sens large. A la sortie de Born This Way l'an passé, l'artiste multiplia les plateaux tv, aussi à l'aise dans des chorégraphies de choc que sur des piano-voix rayonnant. Développant un concept très complexe, les vidéos publiées n'ont pas eu la force des singles précédents. Pourtant, les excellentes mélodies de ce disque se sont écoulées à 8 millions d'exemplaires. D'ailleurs, je ne m'étendrai pas particulièrement sur le scénario orwellien imaginé pour cette tournée. Celui-ci n'étant pas vraiment explicite. Par contre, ce show, inspiré des comédies musicales est finalement bien plus proche de l'esprit de Michael Jackson que de Madonna. De plus, alors que U2 pourrait payer la dette de pays africains avec la facture d'électricité de leurs concerts, Lady Gaga ne joue pas la carte du hi-tech. Par contre, la créativité de chaque pièce musicale de ce spectacle étant si débordante, nous allons d'abord souffler quelque peu pour évoquer les premières parties.


Dès 18h30, son amie de toujours Lady Starlight sort de sa boîte. Se reconnaissant de la communauté metalhead (elle a récemment "ouvert" pour Judas Priest), on attendait au moins un peu de puissance dans la sono du Stade de France. Il n'en fut rien. Lady Starlight s'est contentée de se mouvoir maladroitement sur une musique très Bowie-70's, surtout sur du Van den Graaf Generator. Après 20 minutes improbables, l'imposture se termine. La performance de The Darkness fut d'un tout autre acabit. Les Britanniques ont eu la chance de décrocher la première partie (Brian May en connaissance commune) de cette tournée européenne (75000 spectateurs d'un coup au SDF) dans de très bonnes conditions. Pour les deux derniers concerts de Metallica en stade, par exemple, les groupes de première partie avaient un son catastrophique et ne bénéficiaient pas des écrans. Au contraire, on profite du concert de The Darkness avec un son digne des meilleures heures du Hellfest et de l'attitude de Justin Hawkins en grand format. En 45 minutes, le groupe a sûrement du conquérir de nouveaux fans avec leur classic hard rock pêchu et fédérateur. Pendant que son frère tient la baraque devant le mur de Marshall, Justin peut faire le poirier et dans la foulée atteindre des notes stratosphériques au chant et à la guitare. Les tubes de Permission to Land ont bien chauffé le stade, désormais prêt pour le grand soir.


Après une attente plutôt courte, le rideau tombe, dévoilant une scène transformée en château fort ou manoir hanté de plusieurs étages. Une avancée-tapis roulant entoure un snakepit de Little Monsters. Nous voilà dans l'univers du Born this Way Ball Tour dont l'album sera joué en intégralité au fil du show. Les arrangements live sont bien plus organiques que sur son disque, à base de riffs de guitare et de batteur qui en met partout mais pas à côté. Lady Gaga pose le décor en arrivant étrangement masquée et chevauchant une sombre licorne articulée par ses danseurs, sur le "Ride Ride Pony Ride Ride" d'Highway Unicorn. Suivra dans la même ambiance un Government Hooker assez malsain et au feeling indus'. On sent que le show va être sombre et borderline. Mais Gaga est borderline. Il sera aussi lumineux, drôle et chaleureusement spontané. Gaga l'est aussi. Après une scène d'accouchement gonflable très laide, le thermomètre monte en flèche grâce à Born This Way. Dans sa robe jaune, Gaga est en grande forme. L'actu gossip du moment insistait sur ses quelques kilos en trop. Mais non Lady ne change rien, ne retrouve pas ta silhouette cadavérique d'il y a quelques mois. Et, me semble-t-il, Gaga, incroyablement souple et musclée, n'a pas trop de soucis pour montrer ses quelques formes ! Suit un excellent morceau de son dernier album Bloody Mary où la chanteuse appelle son public à reprendre les mélodies et punchlines du morceau (dont le cri à la fin du premier refrain comme sur Black Jesus - Amen Fashion). Dans la foulée, la température devient martienne pour un Bad Romance survitaminé, pendant lequel on se dit que l'on a bien fait de privilégier la fosse pour profiter de l'ambiance. Comme pour tous les autres de son Fameux répertoire, le morceau est envoyé sans fioritures, sans longueur, comme des piqures énergisantes. Après un Judas très efficace, la pression retombe subitement car le son a disparu de la façade gauche de la sono pendant Fashion of his Love et Just Dance.. Heureusement, il reviendra à la fin de ce titre et pour Love Game ! Ces tubes témoignent, comme Telephone  dans la foulée, le talent de songwriting de la Dame. On l'avait remarqué sur les vidéos de la tournée précédente, Lady Gaga est bavarde, très bavarde. Elle ne cesse de remercier sa communauté de fans (pour avoir acheter les tickets par exemple et vu les tarifs affichés par d'autres groupes, ça serait bien qu'ils y pensent aussi car ça fait plaisir). Elle s'intéresse à ce que les fans lui jettent sur scène. Le tout dans un français très drôle. Il faut dire qu'elle en reçoit des t-shirts, peluches ou autres dessins. Elle invite des fans backstage s'assurant quand même de l'âge de celle qui au premier rang ne portait qu'un t-shirt et vient de le lancer.. A la tête de Gaga et de ses danseurs, pas sûr qu'elle a son permis de conduire. Gaga conclut par un "It's not like... you're twelve...". On retrouve cette même tête quand dix personnes affirment être les auteurs du dessin de son chien arrivé sur la tempe de son danseur. La paternité de cet œuvre suscitant visiblement un vif débat, Gaga conclut : "Dont' die during my show ! I've got too many other things to worry about"... Si ces discours peuvent paraître longs, qu'est-ce que c'est rafraichissant face aux autres concerts que l'on peut faire et qui sont horriblement millimétrés d'un bout à l'autre, sans parfois que les artistes ne savent dans quelle ville ils jouent. Dans le même ordre d'idées, Maud, une fan des premiers rangs rejoint Lady Gaga sur sa moto piano. 


Ah oui, il faut préciser que sur le morceau précédent Heavy Metal Lover, elle faisait corps avec celle-ci dans une ambiance cuir-clous ("because a group does it better"). La voilà ensuite au piano coiffé d'un bandana nous racontant en long et en large ses histoires avec ses créateurs de mode préférés (présents dans les tribunes) tout en interprétant Hair avec son refrain en français ("je suis mes cheveux"), un inédit Princess Die et le tube taillé pour les stades You and I. Le tout avec un sourire très communicatif. Après cette partie du show où Lady Gaga attire tous les regards, la troupe reprend ses droits. La mise en scène est soignée sur Electric Chapel, guitares en avant et surtout le festif Americano. On pense que c'est elle derrière ce voile blanc de mariée. Mais non, la voilà qui apparaît avec une robe qui imite sa célèbre robe de viande (les quotidiens français qui ont multiplié les erreurs et imprécisions dans leurs articles aujourd'hui évoquaient la vraie robe de viande). Le tout se finit dans une chorégraphie autour de machine-guns ! Il ne faut pas oublier que Lady Gaga fera ses débuts au cinéma bientôt dans la suite du sanguin Machete! Après l'enchaînement des tubes Poker Face, Alejandro et Paparazzi, Lady Gaga termine son spectacle sur un Scheisse, qui crée une ambiance clubbing bien trippante. Elle reviendra en rappel sur un Edge of Glory, où du haut de sa tour, elle réalise de sacrés prouesses vocales. Après plus de 2h30 de show, celui-ci touche à sa fin. Selon son discours récurrent du dépassement de soi, Lady Gaga fait monter quelques fans avec elle. L'ambiance est très "bisoux, bisoux" mais on pourrait raisonnablement s'inquiéter pour sa sécurité, la fouille étant très superficielle au Stade de France. Après les avoir amené sur l'avancée au cœur du public, elle balance dans un quart de seconde le définitif Marry The Night. C'est après ce titre que nous rejoignons la nuit parisienne avec le sentiment d'avoir assisté à un spectacle hors du commun. Lady Gaga est la plus jeune artiste à avoir joué dans ce stade.. Elle aime la France. La France l'aime. On espère que Lady Gaga sera l'artiste à jouer le plus souvent au Stade de France.

Commentaires

  1. Excellente première partie de "The Darkness" puis 2h30 de show incroyable !
    Vivement le prochain album et la prochaine tournée ;)

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  2. Faute de pas avoir assisté à ce concert, merci pour ce récit...

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  3. Bravo à Lady Gaga pour l'anticonformisme scénique et au chroniqueur pour son aisance stylistique (même s'il y a beaucoup de références qui me sont étrangères et que je gobe avec une naïve virginité - ce qui est un comble dans le contexte du présent show). On est prié de m'inviter au prochain passage de la comète.

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  4. Merci de me faire entrevoir ce qu'a été un moment aussi génial : un peu de distraction dans une journée bien trop remplie

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