Les Aiguilles et l'Opium - Les Quinconces - Le Mans - 29/01/2015

"Comment sublimer sa douleur quand on a pas le génie de Miles Davis et Jean Cocteau ?" s'interroge le personnage principal, un brin désabusé. Il est venu de son Québec à Paris pour faire de la voix-off pour "une coproduction". Le comédien Marc Labrèche apporte une vrai touche d'humour à son personnage dans cette activité qu'il connaît personnellement très bien (une longue liste de dessins animés à succès). Mais il bute sur le mot "amour". 
 

En 1949, année du documentaire, Juliette Gréco s'amourache de Miles Davis. En 1989, le comédien québecois subit une intermittence amoureuse non désirée. Il s'en remettrait à l'acuponcture ou l'hypnose pour soigner ce chagrin. Il jetterait aux enfers ses bruyants et passionnés voisins de chambre mais n'est pas prêt, comme Orphée, à se brûler la chair. Entre le royaume des vivants et des morts, il a choisi quitte à ne pas sublimer sa douleur. Miles Davis quarante ans plus tôt a préféré laisser sa douce pour ne pas lui imposer une société américaine marquée par la ségrégation. C'est dans la drogue qu'il épousera la douleur avant de renaître à la musique. Le comédien Wellesley Robertson III n'a pas de texte pour jouer l'artiste mais la musique du maître accompagne ses mouvements. On le voit dans le studio du Poste Parisien enregistrer live la musique d'Ascenseur pour l'échafaud. Louis Malle, vingt-cinq ans ce mois de décembre 1957, témoigne. Il apparaît face à nous comme par magie. Les Aiguilles et l'Opium est un spectacle fantastique basé sur l'illusion. 


Dans une structure suspendue et rotative, les tableaux, mettant en scène tous ces protagonistes, nous apparaissent grâce à un savoir-faire de projection absolument exceptionnel. Les comédiens y évoluent sanglés, acrobates et remarquablement mis en lumière. Marc Labrèche interprète également un Jean Cocteau l'année de sa Lettre aux Américains. Robert Lepage, dans les années 90, jouait sa pièce seul en scène. Vingt ans plus tard, il revisite son œuvre avec les talents d'aujourd'hui. Et ceux-ci sont aussi dans l'ombre. Une fois remis de cette expérience hallucinante, le public applaudit avec ferveur les premiers rôles mais aussi les techniciens, artisans de cette œuvre unique. Sa compagnie Ex-Machina proposera fin février sa nouvelle création 887 sur la scène nationale du Lieu Unique de Nantes. Allez-y les yeux fermés, ouvrez les au bon moment et gardez les bien ronds pendant le spectacle. Oupalaï !

Photos : Nicola-F. Vachon

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