La Colonie de Vacances - Salle Jean Carmet - Allonnes - 01/07/2015

En 2010, le festival Rayon Frais regroupe à Tours quatre groupes dans la cour du château : PAPIER TIGRE, ELECTRIC ELECTRIC, PNEU et MARVIN. Partenaires de décibels au sein de la scène noise, les musiciens décident de créer ensemble et prendre le nom de LA COLONIE DE VACANCES. Vincent Launay, directeur artistique du Temps Machine et de l'asso' Travaux Publics, rappelait déjà cette "volonté d'inventer quelque chose" et parlait de la réflexion sur "de nouveaux rapports entre les groupes et les artistes". On peut l'écouter à ce sujet et revoir quelques images de cet événement fondateur ici. Dans cette courte interview, il termine par ces mots : "étonnant et jouissif". Ce dernier adjectif était sur de nombreuses lèvres mercredi dernier dans la moiteur de la salle Jean Carmet d'Allonnes au cours d'une expérience sonore, visuelle et physique comme on en vit rarement.


En 2015, le collectif s'est associé à Greg Saunier, sorcier du son et membre fondateur du groupe américain Deerhoof. Ces créations originales furent présentées au Confort Moderne (Poitiers) et la Gaité Lyrique (Paris). Pour cette date d'Allonnes (et d'autres, de mars dernier à novembre prochain), La Colonie de Vacances est restée fidèle à une setlist plus habituelle, rodée et terriblement efficace. L'ingénieur du son prend place au centre de la fosse, ipad à la main. Le public rejoint le cœur de l'action pendant qu'à la périphérie, aux quatre coins de la salle, les musiciens prennent place les uns face aux autres tout autour de nous. Dès le premier morceau, on est frappé par deux choses. D'abord, les formations sont sévèrement en place.  On tourne la tête à 360 degrés pour observer les batteurs jouer souvent à l'unisson. Cette musique percussive à souhait donne tout de suite l'envie de danser et d'headbanger. Ensuite, l'utilisation du mot "quadriphonie" est tout sauf un simple argument de com'. L'effet sonore marche à fond et les connections entre les différents groupes s'établissent avec intelligence. Au delà du terme "ping pong", il faut louer la qualité des arrangements. Présentée souvent sous la bannière "noise-math-rock-kraut", La Colonie de Vacances touche aussi les musiques tropicales et la sphère progressive. L'utilisation de certaines sonorités de claviers ou encore les cavalcades de Rising Shark Attack peuvent rappeler l'imaginaire 70's et des schémas rythmiques de Rush ou King Crimson.


Et puis, les quatre groupes ont chacun une identité musicale bien identifiable. L'ordre des morceaux est ainsi fait que Papier Tigre, Electric Electric, Pneu puis, plus tardivement dans le set, Marvin interprètent des titres de leurs disques respectifs. Le projet est majoritairement instrumental mais le chant d'Eric Pasquereau (Papier Tigre) sur Restless Empire par exemple, apporte une couleur supplémentaire à la palette de La Colonie de Vacances. Electric Electric emballe la foule avec leur folie plus électronique (Summer's Eye). Le duo Pneu met de la crasse dans les rouages, de la rouille dans le moteur, avec un jeu de batterie plus brut et un jeu de guitare tout aussi rapide. Les titres de leur premier album (Batatanana et Grill Your Eyes) démontent bien. Marvin emportent tout sur son passage également avec Discudance. Les machines de la souriante Emilie boostent une rythmique guitare-batterie affolant les compteurs. Le public se tourne fort logiquement en face du groupe qui joue son morceau. L'effet n'en est que plus saisissant quand, à chaque fois, les trois autres combos les rejoignent pour des fins de compositions vraiment très puissantes.


Après des créations bien épileptiques (Blocage on a Name),  le public veut transpirer encore encore, que ça continue d'accord d'accord. Les musiciens reviennent en rappel avec une mise en scène collant toujours plus au concept. La Colonie de Vacances veut perturber nos perceptions live. Une ampoule suspendue balaie l'espace au dessus de nous alors que les groupes, non éclairés, poussent la transe à son paroxysme jusqu'à Strong Sonority of Palmers. Le public perd le contrôle. Ce sentiment de lâcher prise est aussi renforcé par l'effet miroir que les spectateurs se renvoient. Se tournant dans un sens ou dans l'autre, nous nous sommes inconsciemment regardés vivre les mêmes émotions intenses.


Cet échange et la température ambiante ont contribué à cette folle ambiance de mercredi soir portée par les onze musiciens de ce formidable projet. On avait rarement vu autant de sourires devant cette salle de concert juste barrés par des verres portés à la bouche et des mouvements de lèvres débriefant d'un concert "étonnant et jouissif". Après ce before, le rendez vous est pris pour le Festival Teriaki du 27 au 30 août (le programme ici) avec Deerhoof en tête d'affiche. 

Photos : Stéphane Duarte
Texte : Cyrille Blanchard

Commentaires

  1. Puissant, jouissif mais pas que. ... Les faces à faces avec le reste du public, les cris, les pogos (hé oui! ) amènent un vrai suplément d'âme à ce moment qui est beaucoup plus qu'un concert mais une expérience que l'on a su partager sans concession . c'est bien la 1ière fois que je prend des gens (inconnus) dans mes bras à la fin d'un concert..hé oui nous avons sué et vécu le même moment intense. A voir absolument...non à vivre absolument !

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Metallica/Gojira - Stade de France - Saint Denis - 12/05/2012

Miam Miam

Sebastiao Salgado - Genesis - Natural History Museum - London