Partecipazioni Nazionali - Biennale Arte 2015 - Venezia

Plus de 80 pays tiennent pavillon pendant cette Biennale 2015 à Venise. Difficile de les visiter tous surtout les trente disséminés dans les palais de la ville. La ballade la plus plaisante reste celle des jardins Giardini, le lieu historique de concentration de ces participations nationales. Au trente du Giardini, s'ajoutent les vingt-trois pavillons de l'Arsenale. Comme il y a deux ans (ici), retour sur les coups de cœur tout à fait personnels. Plus officiellement mais tout aussi subjectivement, le Lion d'Or du meilleur pavillon fut attribué à celui de l'Arménie. Il trône assez anonymement dans une vitrine de l'Isola di San Lazzaro. 


Pour s'y rendre, il faut prendre un vaporetto à San Marco et quinze minutes plus tard, vous êtes en Arménie. Etant donné qu'il y a un bateau par heure et que le dernier part vers 17h, le dépaysement est possible. Dans le monastère qui occupe toute l'île, des œuvres d'artistes arméniens issus de la diaspora sont placées au gré des différents espaces. La visite est donc payante et peut-être guidée car elle permet aussi de découvrir le musée du siège de la congrégation des pères mékhitaristes. Fondé par Mékhitar de Sébaste, moine catholique arménien, à Constantinople en 1701, cet ordre s'est installé en 1715 sur cette île de Venise, alors abandonnée. Le jury décernant les prix de la Biennale a du apprécier la visite car il faut bien avouer que le lieu l'emporte sur la qualité des œuvres contemporaines. On retient le magnifique cloître, la chapelle, la bibliothèque ou encore la momie de Mekhmeket. 


Sinon, l'idée de NINA KATCHADOURIAN résume la problématique de ce pavillon. Accent Elimination est une installation vidéo mettant en scène ses parents qui sont arméniens et d'origine étrangère. Drôle, touchante et vraiment symbolique de la diaspora, cette œuvre est la seule qui nous fait vraiment détourner le regard du monastère même avec une belle vue de la lagune depuis la pièce. On note aussi la présence de SARKIS. Cet artiste est turc d'origine arménienne et il présente son travail à la fois dans le pavillon arménien et dans le pavillon turc qui lui est dédié. Créant autour des néons et des vitraux, Respiro éclaire l'Arsenale et l'artiste rapproche les peuples. 


La Pologne a eu aussi l'excellente inspiration de monter le projet Halka/Haïti. Halka est le nom du plus célèbre opéra polonais, une histoire d'amour entre une paysanne et un homme de bonne famille, grand propriétaire. Inspirés par Fitzcarraldo (film de Werner Herzog où un opéra est interprété dans la jungle amazonienne), les artistes JASPER et MALINOWSKA décidèrent de faire jouer Halka dans un village d'Haïti, Cazale, où vivent des descendants de soldats polonais envoyés par Napoléon au tout début du XIXe siècle. Destinés à réprimer la révolte pour l'indépendance, ils avaient finalement rejoint le camp des insurgés et participé à la libération de l'île. Aujourd'hui, des habitants s'appellent encore "Le Poloné". Un bel exemple de créolisation. Le film de cet événement est projeté dans le pavillon polonais sur un très grand écran. On note certains raccords mais l'effet est vraiment réussi car on dirait que tout le village est réuni sur une même scène. Les acteurs chantent à même la terre d'un chemin qui peut être traversé par des passants. On pourrait regarder le film sous des centaines d'angles différents. On peut se concentrer sur les musiciens venus de Poznan et de Port-au-Prince, sur les spectateurs curieux, amusés ou passionnés voire suivre les réactions de la chèvre attachée à son arbre. 


L'installation la plus fascinante se trouve dans la pavillon japonais : The Key in the Hand. CHIHARU SHIOTA a tendu des centaines de fils rouge auxquels sont accrochées des clés symboles de mémoire. Pour lui, les deux bateaux représentent des mains qui captent des instants de cette voie lactée de souvenirs. Dans une pièce adjacente, le visiteur peut visionner des films d'enfants à qui on demande ce dont il se rappelle de leur naissance. Le Japon se questionne sur la natalité et l'héritage à transmettre. Ce n'est pas anodin quand on connaît l'évolution de sa société. 


Le pavillon allemand n'est pas conformiste. On n'entre pas dans la Fabrik par la porte principale. Au contraire, un escalier de service nous conduit au premier étage et des photographies. Pour le moment, rien d'emballant. D'autres marches descendent vers la reconstitution d'un studio de motion capture où sont placés des transats dirigés vers un grand écran. Sur celui-ci est projeté un film plutôt angoissant mais bien ancré dans l'actualité. On y parle terrorisme et dette grecque. L'artiste allemande HITO STEYERL a étudié au Japan Institute of Moving Image et crée aussi un univers manga d'anticipation ("slaves labourers against the supremacy of their invisible opponents", "the act of dancing represents the most playful form of resistance"). Pendant que l'on se balade à la Biennale, la crise fait rage entre la troïka, l'Allemagne et la Grèce. L'accord fut noué quelques heures avec cette visite. Un drapeau grec tagué "Germoney" flotte en haut du pavillon. Peut-être l'initiative des individus qui sont installés sur le toit de celui-ci pendant la durée de la Biennale. Anticonformiste. C'est aussi ça la Biennale. 

 

En entrant dans les pavillons, on fait souvent face aux sourires blasés de médiatrices qui sont payées pour tenir l'accueil mais ont l'air de s'ennuyer ferme. Une exception : le pavillon du Mozambique, pourtant situé dans un angle mort de l'Arsenale. C'est la première fois que le pays participe à l'événement et le représentant national a l'air super heureux et motivé de partager sa culture pour fêter les 40 ans de l'indépendance de la République du Mozambique. Le lieu est organisé comme une exposition avec des panneaux explicatifs repérant les différents espaces : Paintings and Sculptures, Myths and Rituals, Masks, Cinema, Literature, Performing Arts... Le jeune homme présent se montre très disponible pour nous donner des explications supplémentaires sur les différents thèmes et les artistes nationaux présents. On retient les tableaux de FERNANDO MACHIANA (Os Continuadores) et de MALANGATANA (Criança, Essa Permanente Esperança).

 
 

Après avoir fait sensation en 2013 grâce aux sculptures de Berlinde de Bruyckere, la Belgique a choisi de regarder dans le rétroviseur de son passé colonial. Le pavillon belge fut le premier construit au Giardini sous le règne de Léopold II. 


VINCENT MEESSEN s'est entouré de quelques amis artistes pour l'exposition collective Personne et les autres. JAMES BECKETT intrigue avec son installation Negative Space : A Scenario Generator for Clandestine Buildings in Africa. Elle est censée évoquer à la fois l'architecture post-coloniale et aussi l'exploitation persistante des ressources africaines par les Occidentaux.


SAMMY BALOJI associe plusieurs photographies dans son Essay on Urban Planning. On retrouve deux vues aériennes de Lubumbashi montrant le cordon sanitaire entre les résidences des blancs et celles de noirs. Pendant la période coloniale, il y avait 500 mètres laissés à l'abandon entre les deux espaces, correspondant à la distance parcourue par des moustiques transmettant la malaria.. On voit également des photos de collections de mouches et moustiques morts. Dans le cadre de la Fly Control Campaign, il était demandé de ramener 50 insectes pour recevoir une ration alimentaire. 


Dernier exemple, ADAM PENDLETON donne plus dans le muralisme reprenant des œuvres de ses séries Black Dada et Independance


Des pavillons réunissent des artistes différents ou sont confiés à un seul. L'Afrique du Sud réussit comme la dernière fois l'association de talents nationaux. On lit la déclaration de WILLEM BOSHOFF (Racist in South Africa). L'"Afronaut" de GERALD MACHONA rappelle vraiment beaucoup le même personnage de Cristina de Middel (article de Band Meeting ici) ou l'inverse. Et en 2015, choisir Ashes to Ashes pour une oeuvre est toujours un gage de succès (DIANE VICTOR). "They are figures who have been swallowed by a landscape or by the state that asserts its ownership over the land, as in the case of the Marikana miners gunned down by the South African Police, or foreigners attacked and killed in xenophobic violence, or illegal migrants lost in the no man’s land between national borders. But they also emerge out of the burned or devastated landscape. The reference is clearly to death, to bodies broken and reduced to bones, but also to the phoenix, to re-emergence or uprising."

 
 
 

Dans certaines expositions collectives, seul une pièce se distingue. On pense aux photographies de MARIO MACILAU. Il est originaire du Mozambique mais expose dans le pavillon du Vatican. Dans la pavillon italien, c'est NICOLA SAMORI qui fait forte impression.


Des pays veulent mettre en valeur un artiste local. CAMILLE NORMENT  a tout cassé dans le Nordic Pavilion (de la Norvège). Pourtant, cette destruction ne manque pas  d'élégance (Rapture) et est accompagnée d'une de ses compositions musicales à l'armonica de verre. Cet instrument fut interdit en Allemagne au XIXe car il créait un état de surexcitation sexuelle. Apparemment, il pouvait aussi rendre fou les utilisateurs et même provoquer des accouchements.

 
 

IVAN GRUBANOV nous présente ses United Dead Nations dans le pavillon serbe. Une sorte d'oraison funèbre est célébrée pour l'Empire Ottoman, l'Empire Austro-Hongrois, la Grande Colombie, la R.F.A., la R.D.A., la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie, l'URSS, le Vietnam du Sud, le Tibet et la moins connue République Arabe Unie. Celle-ci rassembla en 1958 dans un même état l'Egypte, la Syrie et aussi le Yémen. Le projet s'arrêta en 1961 et le nom fut abandonné en 1971. Les noms de tous ces états sont écrits en blanc sur les murs du pavillon. Les dates d'existence sont précisées. Au sol, les drapeaux sont salis, jetés mais rassemblés.


La Roumanie fait confiance à un de ses jeunes peintres ADRIAN GHENIE. Au fil de Darwin's Room, on reconnaît Lénine, Van Gogh, Hitler. On navigue dans une ambiance que ne renierait pas Francis Bacon. Un artiste à suivre de près.

 

Terminons par le pavillon de l'Ukraine. Hope ! est un bloc de verre situé en plein soleil sur les quais, entre San Marco et l'Arsenale. A l'intérieur, nous retrouvons, entre autres, une installation vidéo réalisée par un collectif appelé OPEN GROUP. Neuf écrans retransmettent en streaming live ce qui est filmé par des caméras posées sur le perron des maisons de soldats actuellement engagés sur le front. Un des artistes à l'origine du projet est toujours en face de ces écrans, à une table. Ils se succèdent par périodes plus ou moins longues, mais ne mangent pas tant que, posés devant les écrans, ils ne voient pas un soldat rentré chez lui. Il fait près de 40 degrés dans le pavillon. Et un bateau de croisière de luxe est stationné juste devant. Quel paradoxe. Quelle performance.

 

Texte et photos : Cyrille Blanchard

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