Crime et Châtiment

"Tu ne tueras point". L'expo annonce la couleur dès le premier panneau qui présente le plan de façon très pédagogique : la tradition chrétienne puis la période révolutionnaire ("le crime égalitaire") puis atavisme et psychiatrie. Sur un projet de Robert Badinter, l'homme à l'origine de l'abolition de la peine de mort en France, les plus grands artistes sont rassemblés pour retracer deux siècles de représentations du crime et de ses châtiments.

Dans le premier couloir de l'expo, il suffit de se détourner d'une œuvre de Blake pour que s'impose à vous une imposante guillotine. Sous le regard inquiétant de Lucifer, deux citations illustrent l'engin de mort. La première de Marat qui vante les mérites de cet instrument hideux mais à l'origine d'une mort douce et l'autre de Victor Hugo qui nous fait comprendre que l'on ne peut imaginer ce que la peine de mort représente sans s'être retrouvé face à ce que Guillotin avait fait accepter. Député de l'Assemblée Nationale Constituante, il avait réussi à faire adopter en 1791, l'appareil mécanique comme seul moyen d'exécution. En effet, avant cette décision, les exécutions variaient en fonction du rang social et étaient souvent plus longues et douloureuses pour les plus pauvres. L'égalité a bon dos. En 1829, Victor Hugo publiait Le Dernier Jour d'un Condamné : réquisitoire pour l'abolition de la peine de mort, retraçant les dernières 24 heures de celui-ci mettant en parallèle sa vie et sa longue attente dans le couloir de la mort. Il n'est donc pas surprenant de retrouver beaucoup de Victor Hugo dans ce projet de Badinter. De Marat, il en est question surtout à travers son assassinat par Charlotte Corday. Les tableaux peuvent mettre en valeur soit le martyr de Marat ou bien le courage de Charlotte Corday. On y retrouve même les représentations de Munch et de Picasso.

Ces tableaux permettent aussi de faire la transition avec le sujet suivant : la place de la femme qui peut être assimilée au crime. Héroïne de Shakespeare, Lady Macbeth est la plus représentée et incarne elle aussi parfaitement le lien entre le meurtre et la folie qui est abordée dans la suite de l'expo. La femme peut être sorcière, d'abord brûlée puis considérée comme un cas psychiatrique, inquiétante comme dans "La Vague" de Schwabe ci dessous.

En effet, on essaie aussi de comprendre le crime et la façon de le punir. Dans la suite de l'expo, on réfléchit à la fois à sa justification médicale et biologique et au moyen de le prévenir. On passe de la méthode d'identification juridique de "l'expert" criminologue Bertillon aux réflexions de l'utilitariste Bentham sur l'enfermement : le concept de panoptique, prison-modèle qui permettrait d'observer de façon permanente les faits et gestes des détenus (concept applicable aussi dans les hôpitaux, usines et les écoles). Cette exposition est donc très riche intellectuellement, très problématisée mais sûrement trop hétéroclite d'un point de vue plastique. Cependant, rares sont les expositions où Warhol (Big Electric Chair ci dessous) côtoie Egon Schiele et David Lynch, dans le dédale des artistes où la limite entre génie et folie est difficile à établir.


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