Damien Hirst - Treasures from the wreck of the Unbelievable - Venezia
Amotan était un esclave affranchi
qui a vécu à Antioche au milieu du 1er siècle, jusqu’au début du 2e.
Il s’était enrichi et, ayant goût pour l’art, avait accumulé une belle
collection. Il décida d’embarquer cent de ses trésors dans l’Apistos (The Unbelievable)
pour les mener dans un temple musée. Mais ils ne virent jamais l’autre rive. Le
bateau sombra et ses chefs d’œuvre ne refirent surface qu’en… 2008. Un film
documentaire de ces découvertes est projeté dans l’entrée des musées vénitiens
de François Pinault, le Palazzo Grassi et Punta della Dogana. Vous n’avez
jamais entendu parler de cette histoire ? En effet, elle n’a jamais
existé. Elle a été inventée de toute pièce par DAMIEN HIRST pour son grand
retour à l’occasion de la Biennale de Venise 2017. Le très riche artiste
britannique n’a rien exposé depuis une bonne dizaine d’années. A quelques exceptions près, ses dernières
créations furent vendues directement en galerie en 2008. Pour Treasures from the Wreck of the Unbelievable,
son nom est partout dans la ville, sur l’épais livret de l’expo et à la
boutique. Mais sinon, il s’efface devant le mythe qu’il a imaginé. Des cartels
sont placés au pied des œuvres pour rappeler au combien ces trouvailles
s’intègrent dans l’histoire des civilisations : méso-américaine, aztèque,
grecque, égyptienne, indienne, africaine, chinoise, romaine, mésopotamienne. Il
est expliqué quelle est l’origine de ces statues et de ces pièces de monnaie,
bijoux, ordonnés en vitrine comme au Louvre. Tout y est, même notre
« western civilisation » avec Mowgli, Baloo et Mickey.
Damien Hirst
se moque bien sûr un peu de nous. Il est précisé que « de nombreuses
sculptures, largement incrustées de coraux et autres espèces marines, sont
exposées avant restauration, au point de rendre les formes méconnaissables. Des
copies contemporaines, des artefacts, réalisées pour l’exposition d’après les
formes originales supposées des œuvres, sont également présentées ». Bien
sûr, Damien Hirst s’affranchit un peu des tailles réelles. Quand le visiteur
entre au Palazzo Grassi, il fait face au Demon
with Bowl qui mesure… 18 mètres ! Sa tête est posée jusqu’à côté et
près d’une photographie montrant un archéologue la dépoussiérant.
« Démesuré »
entend-on à propos de cet événement. Le sens est plutôt positif mais certains
grincheux le qualifient de « meaningless ». Il faut aborder la visite
avec des yeux d’enfants. On entend d’ailleurs des parents abonder intelligemment
dans le sens de leurs rejetons convaincus de la grandeur de la découverte. Les
différentes œuvres de la Biennale sont si souvent engagés, géopolitiques, on
peut parfois reposer un peu notre esprit critique et se laisser aller face à
cette géniale initiative. On retrouve même des dessins préparatoires de Damien
Hirst pour la réalisation des copies et une maquette du bateau avec le
positionnement supposé de toutes les œuvres dans la cale de celui-ci.
Établie « d’après les recherches menées par le Centre d’Archéologie maritime de
Southampton », elle peut s’analyser grâce à un balayage numérique nous
donnant des informations précises sur chaque élément. Où est d’ailleurs passé
l’obélisque de 26 mètres qui était sur le pont du bateau ? Il faudrait se
pencher sur le papyrus retraçant le récit du marin Lucius Longinus ! Pour
terminer, faisons référence au travail de Jason DeCaires Taylor. Bien moins
connu que Hirst, l’artiste expose au pavillon de Grenada sur les quais de
Zattere. En 2006, il avait créé le premier parc de sculptures sous-marines au
large des côtes de son pays. Ensuite, en 2009, il avait co-fondé le Museo Subacuatico
de Arte près de Cancun au Mexique avant l’Espagne et les Bahamas en 2016.
Une inspiration pour la légende de l’Apistos ? Damien Hirst n’est pas
encore appelé comme lui le « Jacques Cousteau of the Art World ».
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