Mud

A 34 ans, Jeff Nichols est déjà un conteur de l'Amérique. Comme Cormack McCarthy ou Don DeLillo dans la sphère littéraire, le scénariste et réalisateur nous dresse de sublimes portraits de vies américaines. Son premier long métrage Shotgun Stories nous transportait en Arkansas. Son second et excellent Take Shelter faisait craindre la tempête en plein Ohio. Avec Mud, nous nous retrouvons sur les rives du Mississippi. A nouveau, Jeff Nichols a souhaité et délivré une photographie absolument magnifique. A ce titre, Mud est une superbe œuvre d'art. Et qui n'a pas oublié d'être un bon film. Ne tombant pas dans la contemplation à la Malick, le scénario manie parfaitement la progression narrative, servie par des acteurs impeccables. Comme un autre maître de la nouvelle génération Asghar Farhadi, Nichols choisit des enfants pour ses rôles principaux. D'entrée, on voit Ellis et Neckbone naviguer sur ce Mississipi à la fois beau et hostile. Ils rejoignent une île où ils pensent s'approprier un autre de bateau, plus grand, qui est perché dans un arbre depuis une inondation. Mais, sur cet ilot déserté, il y a de boueuses traces de chaussures. Celles de Mud. Matthew Conaughey campe ce loser, amoureux transi mais aussi escroc notoire. Jeff Nichols a parfaitement réussi à transformer cet acteur hollywoodien en parfait bouseux. Il a aussi enlevé tout le vernis de Reese Witherspoon. L'immersion dans le Dirty South est totale, où les armes à feu foisonnent tout comme les règlements de compte. Et comme le regrette Tom Blankenship, Mud a la don de se créer des ennuis. On découvre donc en temps voulu pourquoi Mud ne quitte jamais sa seule chemise porte-bonheur et son pistolet. On comprend aussi qu'Ellis et Neckbone ne vont plus le quitter jusqu'à cette incroyable scène finale digne d'un bon western. On vous l'a dit. Jeff Nichols est le nouveau conteur de l'Amérique.