Eels - Salle Pleyel - Paris - 10/07/2014

Quelques semaines après la sortie de Wonderful, Glorious l'an passé, les EELS nous avaient concocté une setlist plutôt rock n' roll. Nous avions vu le groupe soudé comme jamais autour de leur leader à Caen (ici). Ils portaient tous pour l'occasion de soyeux joggings adidas. Un an plus tard est arrivé dans les bacs The Cautionary Tales of Mark Oliver Everett. Le gentleman utilise donc son patronyme pour nommer ce nouvel album, comme souvent très personnel. Les grosses guitares sont laissées au vestiaire et place à de belles mélodies épurées. Cette bipolarité n'est pas nouvelle dans le parcours du groupe mais on sent que les Eels ont atteint l'âge de ne plus se poser de questions. Et quelque soit l'orientation musicale, le public suit fidèlement, très attaché au très attachant Mark Oliver Everett. Pour célébrer cette si belle musique, il fallait donc un écrin. Et maintenant que le grand Paris s'est doté d'une nouvelle Philarmonie, la Salle Pleyel, à deux pas des Champs Élysées, s'ouvre aux musiques amplifiées. Le festival Days Off y accueille les Eels quelques jours après Damon Albarn. Quel plaisir mais quel plaisir de pouvoir assister à un concert sans bouchons d'oreilles, avec une vue parfaite, une ambiance douce plus que festive mais qui n'empêche pas certains fans de manifester leur joie de partager un si pur moment avec des musiciens. "Everything is possible! How a loser like me can play in a beautiful place like this ?!" E cultive son image de loser magnifique avec un humour toujours juste et frais. "Are you ready for rock n'roll ? ... It's not going to happen..!" "Are you ready for soft rock? ... we won't even play that...". Ils qualifient ces douces ballades de "uneasy listening" voire de "total bummer" avec le second degré qui le caractérise.


Pour l'occasion, les tambours d'orchestre, la contrebasse, la trompette, le piano sont de sortie pour mettre en valeur les nouvelles et plus anciennes compositions du riche répertoire du groupe. Même si les vidéos de ce message témoignent de la présence de téléphones portables dans la salle, on est aussi frappé par le respect du public pour le groupe et pour le lieu. Enfin, nous pouvons en 2014 assister à un concert sans que les spectateurs ne passent leur temps devant un écran voulant documenter à tout prix l'instant. Ce concert fut comme une bulle spatio-temporelle qui aurait réglé sa radio sur la parfaite fréquence. Parallels ou encore Lockdown and Hurricanes sont des nouveautés irrésistibles. Si c'est Mr. E ce que tu appelles "bummer", nous signons tous pour un ennui à perpétuité. Déjà en 2010, le groupe avait publié un inattendu End Times quelques mois après le succès Hombre Lobo. Dans le contexte de cette tournée, il en fait revivre certains titres comme A Line in the Dirt. Un peu comme je le rappelais pour John Grant récemment (dont les Eels doivent clairement être une influence), peut-on rester insensible à de telles paroles sur une mélodie de piano : "She locked herself in the bathroom again. So I am pissing in the yard. I have to laugh when I think how far it's gone. But things aren't funny any more. I drew a line into the dirt. And dared her to step right across it. And she did". L'impression est semblable sur It's a Motherfucker. Les Eels réussissent également à merveille à faire évoluer les ambiances et le rythme s'emballe sur A Daisy Through Concrete, Grace Kelly Blues ou bien sûr I Like Birds repris par l'audience (plutôt discrètement chacun dans son siège mais repris quand même par ceux qui s'encanaillent). Qu'il soit au piano ou à la guitare, Mark Oliver Everett a tout du frontman. My Beloved Monster ravit les fans des origines tout comme My Mistakes From My Youth rassure sur ses qualités intactes de songwriter. A deux reprises, il a fait participer activement le public. Tout d'abord, pour célébrer l'anniversaire de Mike Sawitzke alias P-Boo quand il présente ses musiciens avec beaucoup d'humour. Et puis, après la nouveauté Where I'm going annoncé comme le dernier titre, il perpétue sa blague habituelle du "hug". Et le voilà descendant vers le public de l'orchestre qui ne se prive pas de le câliner comme vous pouvez le voir dans la vidéo suivante. Nous sommes presque jaloux d'être au balcon mais il revient sur scène remonté comme une pendule pour lancer le premier rappel à bons renforts de ses traditionnelles exclamations "One More"!



 En effet, les Eels gâtent leur public avec Blinking Lights (for me) ou encore le plus ancien Last Stop : This Town. Après trois titres, le groupe quitte à nouveau la scène. Le public debout ne cesse d'applaudir et a droit à un sacré beau cadeau. That Look You Give That Guy est le superbe succès de ces dernières années pour le groupe. Nous ne pouvions rêver meilleure interprétation et célébration. Chaque note résonne directement dans le cerveau et donne la chair de poule. Après ce vrai beau moment, les musiciens piochent dans l'histoire du rock n' roll américain, celui des 60's et 70's et des artistes maudits. Tout le monde doit connaître la mélodie de Can't Help Falling in Love (en vidéo ci dessous) mais pas certain que le public sache que cette jolie ballade permis à Elvis Presley d'être number one en 1961. Les Français reconnaissent sûrement l'air de Plaisir d'Amour composé en 1784 puis repris par Yvonne Printemps ou Nana Mouskouri. Et souvenez vous aussi d'une scène entre De Funès et Bourvil dans Le Corniaud. Mr. E quitte son piano pour reprendre sa pose du début de concert derrière son pied de micro pour reprendre le moins connu Turn on your Radio d'Harry Nilsson. Cet artiste aurait pu devenir une superstar pop mais avait du mal à rester dans les cases. Un choix évident pour Mark Oliver Everett dont la vie n'aura pas été un conte de fée mais qui ce soir là à Pleyel nous a drôlement fait voyager.



En première partie, nous avons découvert LE PRINCE MIIAOU. Plutôt miaulé en fin de set, ce nom de groupe aurait pu être crié au monde de Pleyel pour qu'il le retienne et se précipite pour écouter leur très bon nouvel album Where is The Queen ?. On retrouve d'ailleurs les figures triangulaires de sa pochette cernant leur devant de scène. Ce soir-là, la reine n'est pas Christine mais Maud-Elisa Mandeau, auteure-compositrice, entourée sur scène par trois musiciens tout à fait complémentaires. L'artiste s'était fait les griffes dans des groupes metal et post rock et il faut bien avouer que ça s'entend toujours dans sa musique. On apprécie ses ambiances proches de Bat For Lashes ou ce titre dans un français parlé et fiévreux que les plus jeunes qualifieraient de "Fauvesque" mais aussi ses envolées noisy au chant hurlé qui ponctuent plusieurs de ses morceaux. Multi-instrumentiste, elle manie avec aisance les ambiances et on lui conseillerait d'ailleurs de ne pas pousser trop fort le son des Fender qui bavaient un peu jusqu'au balcon. Elle a bien compris que ce n'est ni le gabarit ni un ampli à onze qui font la différence mais l'attitude! Et elle n'en manque pas. Son sens de l'esthétique apprécié dans ses clips est aussi un prolongement d'elle même qui va lui permettre d'espérer de belles années d'expression artistique.

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