Anselm Kiefer - Royal Academy of Arts - London

Vivement le XXIIe siècle ! Si le peintre Turner est plus que jamais d'actualité en musée et au cinéma, on peut espérer qu'en 2114 la carrière d'Anselm Kiefer connaîtra la même postérité. Le peintre allemand est l'un des artistes les plus créatifs et bankable de notre époque. Le musée consacre à ce membre honorable de la prestigieuse Royal Academy of Arts une impressionnante rétrospective du 27 septembre au 14 décembre 2014. 
Anselm Kiefer est né quelques semaines avant l'armistice de la Seconde Guerre mondiale. Comme pour ses camarades Baselitz et Richter, millionaires de l'art contemporain également, ce traumatisme s'est traduit dans les tableaux. Représenter des symboles du IIIe Reich est interdit Outre-Rhin après guerre. Pourtant, nous retrouvons souvent ces signes dans le travail d'Anselm Kiefer. A la fin des années 1960, il parle de "symboles héroïques". Certains furent exposés à l'époque autour du Colisée de Rome. La deuxième salle est plus intéressante. The Attic Series reprend le mythe germanique de Parsifal et l'artiste part du principe que les Nazis n'ont pas à s'accaparer de grandes légendes de l'histoire allemande qui disparaitraient de la mémoire collective nationale. Dans un tryptique fait de peinture à l'huile et de sang sur un grand format, nous nous retrouvons dans un grenier où tous les symboles du héros sont représentés. Parsifal fut élevé à Herzeleide, maison royal des Gardiens du Saint Graal. Son père est mort en prenant des risques pour des causes. Sa mère ne souhaite pas le même destin pour son fils mais échouera à l'en en empêcher. Ce tableau rappelle aussi le temps des études d'Anselm Kiefer à Düsseldorf, alors élève de Joseph Beuys. Puis, dans les années 1980, le succès arrive et l'artiste est dès lors très demandé des collectionneurs et galeristes. Ce grenier symbolise aussi ses ateliers futurs à Barjac dans le Gard (friche industrielle de 35ha) ou encore depuis quelques années en banlieue parisienne. En effet, l'artiste a racheté d'immenses entrepôts ayant appartenu à la Samaritaine. Au fil des années, Anselm Kiefer a besoin d'espace et peut passer des années à travailler sur ses très grands formats. On note ici l'influence de Pollock pour créer sur de grandes surfaces posées au sol. 70 camions furent nécessaires pour son "déménagement". On le voit travailler dans le documentaire Over Your Cities Grass Will Grow ici.


Anselm Kiefer a aussi créé spécialement pour l'événement. Dans le hall central de l'expo, nous retrouvons l'imposante installation Die Endzeitalter (Ages of the World). Pour la constituer, l'artiste s'est enfermé dans cette salle, s'isolant trois semaines du reste de l'accrochage. Les composantes de l’œuvre lui arrivaient par des trappes au sol. Certains éléments trop grands passaient tout de même par l'entrée portés par une dizaine d'hommes. 
Selon lui, le temps n'est pas linéaire mais est réglé selon des cycles d'où les différentes couches de son œuvre. Il a aussi un rapport particulier au cosmos. La disposition de l'installation est aussi en lien avec la "géographie" des constellations. Pour lui, son rapport à l'histoire allemande n'est pas négatif mais aussi porteur d'espoir. Son utilisation de fleurs, souvent brulées, est symbole de renaissance, de réappropriation. On retrouve cette idée dans sa représentation de l'architecture mycénienne à la Speer ( Ash Flower construit de 1983 à 1997).
On retient également son utilisation de LEDs surmontées de diamants (d'abord des faux puis des vrais quand il a pu se le permettre). Il récupéra aussi pour ses œuvres du matériel en provenance du toit de la Cathédrale de Cologne lors de sa réhabilitation en 1985. S'exprime ainsi à la fois sa nature d'alchimiste et son rapport au sacré, utilisant de la matière qui fut proche des cieux. On aime aussi son lien créatif avec la poésie de Paul Célan en lien avec l'Holocauste. Anselm Kiefer réinterpréta Todesfuge en peinture. Cette mémoire de la Seconde Guerre mondiale ne le quitte donc jamais. Pour une des dernières salles, il crée spécialement sept peintures. L'idée de base est de rappeler le Plan Morgenthau. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce secrétaire au Trésor américain souhaitait une occupation de l'Allemagne mais le démantèlement de toute l'industrie du pays pour en faire une nation d'agriculteurs. En référence à ce micro-événement de l'histoire allemande et pour rendre hommage à l'un de ses maîtres Van Gogh, Anselm Kiefer réalisa ces dix-huit derniers mois sept tableaux de paysages agricoles. Le tournesol est aussi un symbole de ces cycles qui lui sont chers. Il y a quelques années, une rétrospective Van Gogh avait eu lieu dans ce musée et Anselm Kiefer fut marqué dans cette même salle par les œuvres de l'artiste. 


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