Ubu Roi - Les Quinconces - Le Mans - 08/10/2014

Ubu Roi est une pièce d'Alfred Jarry de 1896. C'est la caricature d'un homme, Père Ubu, assoifé de pouvoir. Il est bien accompagné dans ce sens par Mère Ubu, manipulatrice. Le tout se joue entre Varsovie et Moscou en passant par la Lituanie. Mais que fait-on alors dans le salon immaculé d'une famille bourgeoise qui écoute France Inter ? Cela nous permet d'avoir le journal de 19h en direct (Sarkozy et le Kazakhstan, le virus Ebola). Il y a plus d'un spectateur qui ne doit pas être dépaysé.. Le début de la pièce est ainsi long mais long. On suit la caméra de l'adolescent de la famille qui nous fait visiter l'appartement de nos hôtes du soir. Il filme de près la bouteille de vodka qui nous vient de Pologne tiens tiens. Le couple se prépare à recevoir des amis et échange à voix feutrée. Cette idée lumineuse de mise en scène nous pose presque en voyeur. Le désœuvrement guette le jeune homme qui ne souhaite en rien que ce dîner soit presque parfait. Très vite, les comédiens alternent propos distingués et spasmes dégoulinants. On craint que ces aller-retours fassent un peu trop gimmick mais une fois que les cinq actes de la pièce originale sont lancés, l'effet de retour à la réalité bourgeoisie est de plus en plus drôle. Les acteurs apparaissent toujours dignes malgré la transpiration et le chaos environnant. Le texte est bien politiquement incorrect et fidèle à l’œuvre : "tuons les nobles, les financiers et les juges" nous dit Roi Ubu. On craint presque pour notre personne quand il descend dans le public. Déçu de ne pas trouver les victimes précitées au sein de l'assistance, il se contenterait bien "d'un prof". Certes, nous sommes lâches de ne pas nous désigner mais au moins nous ne nous dénonçons pas. Mais surtout quelle mise en scène spectaculaire et imaginative de Declan Donnellan ! Il utilise au maximum les possibilités du décor et avec son sens des accessoires, il donne plus d'une idée aux ateliers théâtre sans le sou. Le surréalisme comme réponse aux coupes budgétaires. Un abat jour ou une passoire pour couronne. Le papier alu est la plus grande des fortunes. Le sopalin devient un parchemin. Il faut aussi souligner le travail de titan qu'ont du accomplir les comédiens. La scène de l'arrivée des invités jouée à l'envers est un modèle de technique. Les corps sont aussi mis à rude épreuve, qu'ils s'étreignent salement ou qu'ils se battent avec force. C'est bien simple : il suffit d'ouvrir une porte laissant échapper une tempête de neige et nous voilà en plein champ de bataille russe. Nul besoin de Google Glass pour être en réalité augmentée ! C'est la force du théâtre. Le jeune Bougrelas est-il arrivé à ses fins ou a-t-il une imagination débordante pour tromper l'ennui ? A vous de voir !


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