The Cut

Le génocide arménien au sein de l'Empire Ottoman a 100 ans en 2015.  La France a voté en janvier 2001 une loi relative à sa reconnaissance. On se souvient du message de Serj Tankian rappelant cette décision, sur scène avec System of a Down. Le groupe revient cette année pour commémorer l'événement. Un génocide est un acte "commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux". Le génocide arménien n'est pas reconnu par l’État turc. Les deux parents du cinéaste Fatih Akin sont turcs. Même s'il affirme que The Cut est le dernier chaînon d'une trilogie après Head On et De l'Autre Côté, son nouveau long-métrage a bien une résonance singulière. Nazaret Manoogian vit à Mardin au sein d'une communauté arménienne de 8000 âmes. Un soir, la police du sultan demande à tous les hommes de quitter le village. Rapidement dans l'histoire, le film gagne les grands espaces des montagnes anatoliennes où les Arméniens subissent travaux forcés et marches de la mort. Femmes et enfants furent aussi déportés. Le film n'explique pas vraiment les arguments des autorités d'un Empire Ottoman aux abois dans la guerre face à la Triple Entente de la France, du Royaume Uni et de l'Empire Russe (jusqu'à la Révolution de 1917). Une scène montre des conversions forcées de ces chrétiens à la religion musulmane. Mais il n'est pas clairement précisé qu'ils étaient considérés comme des "ennemis de l'intérieur". 1.5 millions d'Arméniens furent exterminés entre avril 1915 et décembre 1916. Faith Akin filme l'horreur du génocide, avec ses corps décharnés, des charniers à ciel ouvert. Ces images font écho aux documents issus des camps de la mort nazis. Les scènes réalisées par Fatih Akin sont durement réalistes avec une photographie plutôt moderne. Oserait-on comparer certaines impressions visuelles à la série The Walking Dead ? The Cut est le premier film grand budget de Fatih Akin, d'époque, à l'histoire romanesque. Il se revendique d'Elia Kazan et de son mentor Martin Scorsese mais pourtant il sait garder une petite touche personnelle qu'on qualifie d'indépendante. Akin est "indie". La place de la musique joue aussi beaucoup dans ce sens. Ces plans souvent fixes sont accompagnés de lancinantes sonorités de guitare (compositions "à la Jarmusch" d'Alexander Hacke, guitariste de Einsturzende Neubauten) qui créent une mise en relief très intéressante. Le personnage de Rakel, femme de Nazaret, est interprété par la chanteuse Hindi Zahra participant également à la bande originale. Elle ne lui apparaît plus qu'en rêve et Nazaret, après guerre, part à la recherche de ses filles. C'est la quête qui guide l'histoire d'une grande partie du film. Il y a donc l'"après" de Syrie à Cuba jusqu'aux États-Unis. La reconstitution est minutieuse et nous fait comprendre, à partir de courts exemples, la solidarité interconfessionnelle, la dimension de l'immigration clandestine et l'ampleur de la diaspora arménienne. The Cut est un film qui sait se taire pour montrer. La blessure (titre du film à comprendre à plusieurs degrés) de Nazaret au cou offre à Tahar Rahim une composition inédite et digne d'un grand acteur. On le préfère ainsi proche de Charlie Chaplin, à qui le film rend hommage à travers une projection de The Kid dans un quartier de réfugiés d'Alep et une affiche dans les rues de La Havane.


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