Exit/Exist - Les Quinconces - Le Mans - 03/03/2015

L'histoire de l'Afrique du Sud s'est écrite avec Nelson Mandela, prisonnier politique à Robben Island durant 18 ans. Les colons britanniques et hollandais y ont enfermé d'autres opposants bien avant lui. L'un d'eux fut l'ancêtre du chorégraphe Gregory Maqoma. Jongumsobomvu Maqoma fut un chef de la tribu xhosa (prononcez "khosa") et s'est battu contre les Britanniques qui ont annexé leur territoire devenu la Cafrerie. Il fut emprisonné dans la prison du Cap à deux reprises et y mourut en 1873. Cette histoire prend aussi une dimension mystique car son emprisonnement coïncide également à la fin d'une prophétie. En 1856, une jeune fille a une vision annonçant le retour au pouvoir des Xhosa chassant les Blancs et retrouvant terre et bétail. Ce destin ne s'accomplit pas et par conséquent il fut décidé d'abattre les animaux et de brûler les récoltes. Cette histoire est narrée grâce à des projections sur un écran. Mais cet élément de mise en scène nous paraît anecdotique. Nul besoin d'en rajouter. La performance musicale et corporelle va suffire à nous transporter dans l'histoire sud-africaine et l'héritage familial, territorial de l'artiste. Nos sens sont en éveil quand résonnent des boucles de guitare qui semblent comme produites par les agitations frénétiques des doigts du danseur. En costume, il est Gregory Maqoma. Le temps de ce premier tableau, on craint ne pas voir du spectacle Guiliano Modarelli, placé derrière l'écran. Puis, les corps se dévoilent aussi derrière celui-ci et on aperçoit l'artiste italien enregistrer des loops de percussions en frappant sur la caisse de sa guitare quand il n'enchaîne pas rythmiques et soli inspirés. Quatre autres personnages portent près de lui des masques blancs. Nous rejoignons l'univers de l'aïeul Maqoma et cette scène fait aussi écho à la ségrégation qu'a connu le pays dans des temps plus proches, encore ancrés dans les mentalités. 


Le xhosa est aussi une langue et soudainement elle inonde la salle des Quinconces des graves les plus bas aux aigus des plus plaintifs. Le quartet vocal tombe les masques et accompagne les mouvements de Gregory. Celui-ci porte désormais l'habit de Jongumsobomvu qui remonte juste au dessus de ses longues jambes de danseur.  Ses pas précipités ont la grâce d'un ballet. Mais comme pour montrer que c'est une terre en guerre qu'il défend, il claque le sol de la plante et du talon. Des cornes en avant de son visage, il rue face à un adversaire imaginaire. On lutte pour une terre qui nourrit et on prie que le ciel l'abreuve. Cet espoir est aussi fragile que les gestes maladroits de Gregory face à la douche de céréales mais donne la force de tourner, une assiette calée sur la boite crânienne, quand la récolte est bonne. La performance de Gregory est précise et incarnée autant pour dessiner un cercle régulier qu'il croise plus tard, les pieds statufiés dans un linge sur lequel on l'extrait de l'espace où il fît ses ablutions. Les quatre chanteurs participent à cette magie de mise en scène joliment éclairée mais on retient surtout leur interprétation parfaite des partitions de Simphiwe Dana, chanteuse émergente de la scène folk & world africaine. Lors de la rencontre qui suivit le spectacle, Gregory nous confie à quel point il estime, tel un magnifique cadeau, la création musicale que Simphiwe a composé pour Exit/Exist. Il rappelle qu'elle est considérée comme l'héritière de Miriam Makeba icône de la scène musicale du pays et militante des droits de l'homme, de la lutte contre l'Apatheid jusqu'à sa mort en 2008 à la suite d'une crise cardiaque subie après avoir chanté une dernière fois son grand succès Pata Pata sur une scène italienne, pour un concert de soutien à Roberto Saviano. 

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