Frontiers Reimagined - Palazzo Grimani - Venezia

La Biennale d'art contemporain de Venise réunit tous les deux ans des créations d'artistes du monde entier. Cette année en particulier, dans un monde chaotique, la notion de frontière est souvent au cœur du sujet des expositions. Par exemple, nous reparlerons dans l'article suivant de l'association entre l'Inde et le Pakistan et de cette volonté artistique d'abolir les barrières. Dans le Palazzo Grimani (particulièrement bien caché dans une ruelle, elle-même dans un dédale de canaux et impasses), la Fondation Tagore rassemble 44 artistes de 25 pays différents pour Frontiers Reimagined


Leur catchline "Art that connect us" revendique une globalisation culturelle qui inspire et ne contraint en rien. Le curateur Sundaram Tagore est un célèbre galeriste basé à New York et le descendant de Rabindranath Tagore, figure historique de la culture indienne. Premier non-européen à recevoir le prix Nobel de Littérature en 1913, il est aussi l'auteur des hymnes nationaux de l'Inde et du Bangladesh. Un angle de la première pièce rappelle son héritage et son environnement social, posant avec Einstein ou Gandhi. Il n'aurait sûrement pas renié l'ambiance de cette salle. Les gongs de l'installation posée dans la cour par AARON TAYLOR KUFFNER résonnent jusqu'à ce deuxième étage. Dans les années 90, cet artiste baignait dans le monde du street art (Cicada Enterprise, The Assault Poetry Unit) mais fut toujours passionné de son. Producteur de musique ambiante voire minimal techno, il s'intéressa aussi à la fusion avec la musique traditionnelle, la musique de la nature, sous le nom de Zemi 17. De retour d'un séjour de six ans en Indonésie, il créa le Gamelatron faisant sonner un Gamelan, ensemble de gons de tradition javanaise, balinaise, à l'aide d'un procédé robotique. 


Son Gamelatron Kebangkitan réalisé en 2015 domine aussi, au début de l'exposition, l'installation du thaïlandais NINO SARABUTRA (What Will You Leave Behind?) : un chemin de 100 000 crânes de porcelaine sculptés sur lequel le visiteur est invité à marcher sans chaussure. "Meditating on the fragility of life and inevitability of death". On peut laisser des messages sur son site dédié, un poil morbide : ici. N'oubliez pas de récupérer vos sandales après l'expérience si vous ne voulez pas qu'elles se retrouvent sur la sculpture des époux AQUILIZAN. 




Artistiquement, les émotions nous viennent de la photographie. On retrouve deux clichés de SALGADO. Le premier est issu de sa série Migrations et le second de Genesis. Nous avions parlé du photographe brésilien dans deux articles de Band Meeting ici et . Malheureusement, on l'impression que la photo d'iceberg, magnifique au Natural History Museum, ne bénéficie pas de la même excellence d'impression. Nous avions découvert le travail de BURTINSKY à Stockholm en 2011 pour Oil (ici). Frontiers Reimagined ressort une photographie de sa série Water, vue aérienne de delta du Colorado retravaillée comme un tableau. 


De Paris à Barcelone (ici) en passant donc par Venise, Band Meeting ne cesse de parler de l'artiste brésilien VIK MUNIZ. On retrouve deux autres de ses photographies nous montrant d'impressionnantes réalisations faites de matériaux de récupération dévoilant du haut du hangar les contours de classiques de l'histoire de l'art : Apollo and the Cumaean Sibyl after Giovani Domenico Cerrini à côté de Vulcan forges Cupid's arrows after Alessandro Tiarini. A voir de près et de loin. Bluffant.


Avec le temps, on croise des talents connus comme Muniz ou CHUN KWANG YOUNG. Dans une galerie près de Picadilly, il présentait déjà ses sculptures faites de morceaux de styrofoam (du polystyrène) enveloppés dans du papier baigné de mûres, thé, fleurs dans une tradition coréenne. Nous les retrouvons à Venise.


Pour les photographies toujours, le travail de ROBERTO POLIDORI est imposant pour son triptyque présentant une vue sur le favela Rocinha. Il permet de voir précisément les aménagements et peut être utile pour le géographe. On note aussi un graffiti en hommage à Zidane. Par contre, ce même photographe a publié, dans un ouvrage à disposition, de nombreuses photos prises sur le site de Tchernobyl et même sur les ruines de la Nouvelle Orléans après Katrina. Cette démarche de témoignage de catastrophe peut toujours paraître indécente. Retenons plutôt les deux révélations de cette exposition. Tout d'abord, KENRO IZU use une technique particulière d'"archival pigment print" qui conforte la beauté diaphane des prises de vue de monuments religieux (ci dessous en Inde et au Bhoutan). Sa maîtrise de la lumière et des formes est éblouissante. Deviner est souvent plus sensible que livrer sans filtre.



Restons dans une ambiance bouddhiste avec Dukkha et Anicca. Ce ne sont pas les noms des femmes photographiées par la thaïlandaise KAMOLPAN CHOTVICHAI. Ce sont d'ailleurs des auto-portraits "hard cut". Le Dukkha est la souffrance, l'insatisfaction alors que l'Anicca l'impermanence des choses. Sûrement les œuvres les plus poétiques de cette superbe exposition.



Avec ces belles émotions, il y a peu d'intérêt à descendre à l'étage inférieur, le seul qui demande d'acheter un billet. Au milieu des pièces du palais ouvert donc à la visite, le Vespa d'EDDI PRABANDONO paraît bien bourrin.


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