Proportio - Palazzo Fortuny - Venezia

Le Palazzo Fortuny est tout près du Grand Canal, côté Rialto. Mais, à nouveau, l'entrée de l'exposition se situe sur une petite place, au milieu des ruelles. De l'immeuble voisin aux murs défraîchis s'extrait une douce mélodie de variété italienne. Authentique à souhait.


Une fois la lourde porte ouverte, les visiteurs pénètrent le rez-de-chaussée pour commencer l'exposition Proportio. En place dans ce palais le temps de la Biennale, celle-ci est payante. Mais, une fois face à ce greatest hits de l'art antique, moderne et contemporain, on ne regrette pas une seule seconde. L'idée est de confronter des chefs d’œuvre qui nous font réfléchir, à travers l'histoire de l'art, à la géométrie, aux idéales proportions. L'antiquaire et architecte d'intérieur Alex Vervoodt s'associe à nouveau à la directrice du musée Fortuny pour Proportio, après Artempo en 2007 et In-finitum en 2009. Les œuvres sont placées au gré des différents espaces du palais laissé dans son jus. L'artiste espagnol Mariano Fortuny y vécut du début du XXe siècle jusqu'à sa mort en 1949. Il fit fortune dans la haute couture mais avait aussi des talents d'architecte, de peintre (comme son père), sculpteur, photographe. On retrouve ses travaux côtoyant les "masterpieces" que nous allons présenter ci dessous. Les premières salles sont plutôt austères à peine éclairées par une installation de FRANCOIS MORELLET, artiste des Pays de la Loire. Décidément, les néons sont à la fête pour cette Biennale 2015. Dans la petite cour, la sculpture du Britannique CONRAD SHAWCROSS (Manifold 9:8) s'inscrit parfaitement dans l'architecture. Et pour accéder aux étages supérieures, le passage est obligé par la pièce décorée par le Japonais SHUJI MIKAI qui nous rappelle notre visite de la Villa Ocupada et celle, à venir, d'Asie Riderz dans le cadre du Voyage à Nantes (ici).


Puis, dans la salle suivante, c'est un tableau d'ANSELM KIEFER qui nous accueille. Nous avions été fasciné par la rétrospective de cet artiste contemporain en octobre dernier à Londres (ici) après l'avoir découvert progressivement au Tate Modern ou à Berlin. Son travail sur la matière pour son Andromeda est toujours aussi remarquable.


Mais c'est le dernier étage qui est le plus enthousiasmant. Nous avons vraiment l'impression de marcher sur les pas de Fortuny. L'éclairage est faible et ce sont les œuvres d'art qui guident nos chemins entre les vitrines abritant des cahiers montrant des croquis autant de DURER que de LE CORBUSIER. En prenant la première porte sur la droite, un corps en cire de BERLINDE DE BRUYCKERE est posé sur le sol. Il y a deux ans, on lui avait confié le pavillon belge (ici) dans les jardins Giardini de la Biennale et nous avions aussi apprécié ses immenses arbres de bois et de cire à la Maison Rouge. A sa gauche, un portrait de BOTTICELLI et derrière lui, le Golden Mask de MARINA ABRAMOVIC. On croit rêver mais ce n'est pas fini. La salle suivante associe un cube de GIACOMETTI à des sculptures d'ANISH KAPOOR. 


Puis, une sombre salle de projection est installée dans un recoin du bâtiment. On s’assoit face à d'inquiétantes Silhouette de DRIES VAN NOTEN célèbre créateur de mode belge. Et on assiste à la projection du superbe court-métrage d'animation Night Time de HANS OP DE BEECK, artiste contemporain belge également. Un extrait est en ligne ici mais rien ne vaut l'immersion. On perd vraiment la notion du temps bercé par les notes post-rock de ces images noir et blanc alors que de l'autre côté du mur il fait quarante degrés sur le Grand Canal. Autour de ce salon, on a l'impression que Fortuny va surgir d'une porte dérobée pour se remettre au travail parmi les œuvres anciennes et nouvelles, les couleurs d'ELLSWORTH KELLY, le superbe rideau d'IZHAR PATKIN (Hare Apparent), rencontre improbable entre Alice au Pays des Merveilles et Fibonacci.




Si l'on prend la première à gauche puis la ruelle à droite, nous pouvons entrer dans le palais Benzon, bien enclavé également. L'exposition gratuite My East is Your West réunit un artiste pakistanais (RASHID RANA) à un artiste indien (SHILPA GUPTA) sur le thème de l'abolition des frontières. L'Indien, plus minimaliste, nous explique les paradoxes de la frontière entre son pays et le Bangladesh, entre business informel et criminalisation des migrants. C'est l'occasion d'évoquer la mise en place d'une barrière "protectrice" qui se construit entre ces deux états. La réflexion de l'artiste pakistanais sur les frontières numériques est aussi très intéressant. Il a lui même fait sa formation entre Lahore et Boston. Il nous interroge d'abord sur le regard porté sur les classiques d'histoire de l'art. On voit la vidéo d'un tableau posé dans une rue passagère avec la foule qui s'arrête devant celui-ci. Une autre scène de l'antiquité est reconstituée à l'aide de centaines de mini écrans animés. Une caméra nous filme regarder un autre tableau mais le plus plaisant de tous les moments reste la rencontre avec une famille de Lahore. Dans une des salles, on retrouve Monica, guide italienne, en discussion en direct par caméra et écran interposés, avec plusieurs femmes et jeunes femmes en tenue de fête de fin de ramadan. Dans une salle climatisée d'un marché de Lahore, une pièce identique à celle de ce palais vénitien a été reconstituée. De cet endroit passager et reposant pendant les journées de Ramadan, les habitants de Lahore peuvent échanger avec les visiteurs de l'exposition. Ce matin de juillet, ce sont les sœurs du guide qui l'ont rejoint et nous présentent le nouveau né de l'une d'elles. Elles sont heureuses d'avoir préparé un immense repas de fête, sont fières de leurs tenues et curieuses de nos vies. Elles s'intéressent. Le sourire ne les quitte jamais. Un instant rare qui confirme que la Biennale est une véritable fenêtre sur le monde qui nous entoure. 


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