Go Down, Moses - Les Quinconces - Le Mans - 01/10/2015

La saison du théâtre des Quinconces-L'espal se lance sur un événement. Romeo Castellucci investit les lieux avec Go Down, Moses. Au sein de sa compagnie Societas Rafaello Stanzio, il pratique depuis les années 80 un art radical. Il fusionne la pratique théâtrale avec d'autres expressions proches des performances et installations d'art contemporain. Et il choque. Sa pièce Sul concetto di volto nel figlio di Dio en 2011 lui avait attiré les foudres de mouvements intégristes catholiques. Sa réputation le précède et attise la curiosité d'un public ouvert d'esprit et avide d'expérience. "Oserez-vous ?" nous demande-t-on. Osons donc et vivons le moment. Le lignes qui suivent sont le fruit d'une réflexion collective après un spectacle particulièrement clivant. Les applaudissements qui accompagnèrent le salut des acteurs à la fin de la représentation furent les plus discrets entendus depuis l'ouverture du théâtre. Le public du Mans n'est pas moins intéressé que celui des grandes métropoles par l'expérimentation et les émotions fortes mais se retrouve un peu anesthésié quand les lumières se rallument. 


Ce spectacle brise des codes et est en cela extraordinaire. Mais privilégier le malaise au plaisir n'assure pas une bonne soirée à tous les spectateurs. Go Down, Moses est violent. Une femme se retrouve dans les toilettes d'un lieu indéterminé pour accoucher dans un bain de sang et de désespoir. Une mer rouge gagne le sol, sur lequel elle est prise de convulsions, le sexe en évidence face au public. Le spectateur est voyeur et son expérience, personnelle ou transmise, lui fait vivre la scène à des degrés différents. C'est un socle sur lequel des souvenirs douloureux sont expiés ou un tableau dont on fuit le regard par dégoût ou traumatisme. L'effet peut être le même quand cette femme entre dans un scanner. Ce son strident ouvre des failles tout autant que la vue du sang. Le bruit est aussi au cœur de la pièce et l'on frôle la faute de goût. Provoquer l'assourdissement du public n'a jamais contribué à la qualité d'un spectacle. C'est comme un groupe de black metal qui veut vous prouver à fort volume à quel point il est méchant en jouant des morceaux d'une stérilité rare. Certaines idées sont certes intéressantes comme la parole de cette mère infanticide dont le son se délie pendant l'interrogatoire de police ou encore ces coups d'appel au secours qui résonnent comme venant d'une autre galaxie. Pour apprécier l’œuvre complète, on se rattache donc à quelques instants de grâce. Enroulée dans une couverture pour se protéger d'un monde qui la juge et ne comprend pas le portée de son acte, cette femme crée une forme plissée et vite indéterminée. On ne peut nier que Romeo Castelluci est un génie de l'illusion. Toute la pièce est jouée derrière un rideau et les effets de lumières créent comme un monde rêvé. La vision de ces hommes primitifs n'est pas une projection mais bien le résultat d'un travail d'interprétation assez bluffant des acteurs. Et Castelluci réussit à faire apparaître une monumentale caverne comme par magie. Il y a beaucoup de talent dans la mise en scène. Il ne faut pas l'oublier alors que l'on aurait tendance à n'évoquer que le choc de l'enterrement d'un mort-né, l'union corporelle de deux comédiens affichant leur nudité sur scène. Romeo Castelluci a le grand mérite d'apporter l'imagination de l'art contemporain dans le spectacle vivant mais le message pourrait passer aussi bien avec plus de subtilité. 

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Shoreditch Street Art - December 2016

Damien Hirst - Treasures from the wreck of the Unbelievable - Venezia