Sicario

Révélé par Incendies, l'adaptation de la pièce de Wadji Mouawad, Denis Villeneuve est désormais un réalisateur incontournable du XXIe siècle. Son choix se tourne sans difficulté vers les acteurs hollywoodiens, Jake Gyllenhaal et Hugh Jackman dans Prisoners et bientôt Ryan Gosling et Harrison Ford dans la suite de Blade Runner ! Rien que ça ! Pour Sicario, en sélection officielle à Cannes, c'est Josh Brolin et Benicio del Toro qui gonflent le casting de testostérone. Emily Blunt apporte une touche de fragilité mais cela reste assez caricatural. En effet, Denis Villeneuve sait bien s'entourer sauf peut-être pour le poste de scénariste. Taylor Sheridan est un ancien acteur de Sons of Anarchy mais se lance tout juste dans cet art de tisser de solides histoires. Comme pour Prisoners et Aaron Guzikowski, Denis Villeneuve collabore à nouveau avec un novice. Le manque d'épaisseur des personnages est regrettable et certains raccourcis gênants. L'histoire nous balade un peu mais ne repose finalement que sur un twist révélant la motivation d'Alejandro ou l'utilité de Kate. Sheridan  aurait enquêté auprès des cartels mexicains et des populations locales mais une bonne lecture d'Extra Pure de Roberto Saviano aurait pu suffire. L'intérêt de Sicario est ailleurs. Dans la très grande qualité de réalisation. Traffic de Soderbergh fait référence sur le sujet avec déjà, en 2000, Benicio del Toro dans le rôle principal. Mais Denis Villeneuve filme la frontière entre les États-Unis et le Mexique comme jamais. C'est un film pour géographes. Les vues aériennes sont bluffantes. On retient particulièrement la scène du convoi pénétrant dans Ciudad Juarez. Le spectateur a vraiment l'impression de passer la frontière, avec tous les risques que cela comprend. Ce rythme est familier aux amateurs de séries télé. L'intensité des courtes scènes d'action rappelle Homeland, y compris celle de la mission nocturne. Mais Sicario ne s'apprécie sûrement pas de la même façon devant un écran d'ordinateur. Denis Villeneuve fait des films pour que le public se déplace au cinéma. Il est en cela méritant de nous offrir une expérience visuelle et le tout sans lunettes 3D.