Girl Power

Nous avions rencontré Sany en octobre dernier à Prague. Elle venait de terminer une fresque au nom du documentaire sur lequel elle travaillait depuis huit ans (l'article ici). Girl Power est l’œuvre de sa vie d'adulte. Après des années de travail et de sacrifices, son film est sur les écrans. Les avant-premières de la capitale tchèque furent un grand succès. Sa persévérance dans un milieu très masculin a fini d'asseoir sa réputation. Girl Power expose son art et celles d'autres graffeuses mais ne se veut pas féministe. Le titre est une référence à son crew quand elle s'est lancée, avec ses copines, dans cette pratique. Ce documentaire retrace sa vie personnelle et professionnelle qui se confondent fatalement. Sany est très sensible aux sentiments de ses parents. On la voit d'entrée dans le jardin familial, les rassurant ensuite sur sa capacité à gérer un "vrai" métier parallèlement à sa passion qu'elle cache. Elle enfile les chaussures à talon pour aller bosser dans un call-center où elle a gravi des échelons de responsabilité. Ses virées nocturnes, bombe à la main, l'ont sûrement poussé à être toujours plus performante dans son job pour se permettre de réaliser son objectif : documenter son œuvre. On pense à Martha Cooper, présente à cette projection parisienne dans le cadre de l'Urban Art Fair. A partir de la fin des années 1970, cette photographe, légende de la scène, fut le témoin de l'émergence du graff à New York. Grâce à elle, le Subway Art est resté "encré" dans la mémoire collective. Sany était capable de rester des heures au petit matin sur le quai d'une gare pour voir le tag réalisé dans la nuit lui défiler devant les yeux, sur l'aile d'un train. Filmer est presque aussi important que peindre. Avec ses potes, elle commence à parcourir l'Europe pour rencontrer ses pairs, les interviewer, graffer avec elles. Cette seconde vie devient rapidement ingérable avec ses heures de bureau. Après avoir perdu son emploi, son film devient son principal objectif. Girl Power a un schéma narratif très intéressant. On suit les péripéties de Sany en s'inquiétant presque de la voir se faire courser par le police. On retrouve une ambiance paranoïaque assez cinématographique quand elle tient par dessus tout à ce que leurs heures de rushes échappent au contrôle des autorités. Lors de son speech d'introduction, Sany rappelle que ce film ne fait pas du tout l'apologie du vandalisme mais c'est vrai que ce qui est montré est illégal. Et ce n'est pas du cinéma. C'est réellement ce qu'elle a fait pendant des années. C'était sûrement plus compliqué pour elle que pour Mr. Brainwash. Il y a aussi un défi technique à réaliser. Comment tenir en haleine des spectateurs sans jamais montrer le visage de l'actrice principale et en tournant la plupart des scènes de nuit avec une prise d'images et de son que vous imaginez chaotique. Le montage est ainsi bien dynamique avec un chapitrage qui nous fait à la fois suivre la chronologie de réalisation et voyager à la rencontre d'artistes. Une voix off et une musique bien 80's finissent de bien cadrer le scénario. Plus le projet avance, plus elle voyage loin. On fait d'abord la connaissance des Puff Girls en Allemagne, d'Okada à Moscou (et ses policiers corrompus). La liste complète des Girls est consultable sur le site internet du film (ici). C'est aussi sur d'autres continents que l'histoire s'écrit. Elle ne put rencontrer Lotus décédée peu de temps avant le voyage prévu à Sidney mais a tenu à y rencontrer ses amis. Il y a beaucoup d'émotions dans ce film avec le petit ami de Lotus, la discussion avec Martha (dont les louanges ont fait pleurer Sany à la fin de cette projection), avec Pink Lady, pionnière féminine du graff new-yorkais dans les années 80.. C'est aussi une immersion dans un contexte géographique. avec Anarkia, street artiste renommée au Brésil et primée par WWF pour son engagement humaniste. Attention, le graff n'est pas encore institutionnalisé. Utah (&Ether) sont bien thug. Vous pouvez la découvrir sur son site web (ici) et ses "probation vacation". Les trains ne lui servent pas seulement à se déplacer d'un point vers un autre. L'aventure se poursuit pour Sany avec de belles projections à venir et une publication à l'achat en ligne vraisemblablement à l'automne. Et puis le sujet est intarissable comme en témoigne une des dernières images du film, utilisée en bandeau sur le site du film : des femmes voilées taguant un mur au Moyen Orient. To be continued..


We met Sany last October in Prague. She just finished to paint the name of her documentary on a wall with these dates « 2009-2016 ». Girl Power is the achievement of her adult life. After eight years of intensive work and sacrifices, we can see her movie in theaters. The first screenings were a huge success in the Czech capital. Her dedication in a very male environment settled her reputation. Girl Power shows her art and other female graffiti artists but it's not a feminist movie. The title is a reference to the name of her crew when she started that activity with her friends. The documentary tells about her personal and professional life which melt together. Sany is very aware of her parents' feelings. We see her in the family garden rassuring them about her ability to deal with a real job, hiding her secret passion. She wears high heels to climb the scale of the call center office. But night outings pushed her to reach her goal : to testify. Martha Cooper sat in the audience of the Parisian Urban Art Fair where the movie was shown. Since the end of the 70's in New York City, as a living legend photographer, she was the witness of the emerging graff scene. Thanks to her, Subway Art was "inked" for ever. Sany was able to sit for hours in a train station to see the graff she did on a train wing during the night catching her eyes. Filming could be as important as painting. With her friends, she started to travel Europe to meet her peers, interview them and do some bombing. This second life became hard to manage with office hours. After losing her job, her movie became the main objective. Girl Power has a very interesting storytelling. We follow the adventures of Sany, worrying when she has to escape from cops. The atmosphere is like a thriller when she turned to be paranoid, hiding the tapes from the autorithies. In her introduction speech, before the screening, she said that her movie is not promoting vandalism at all. But, it's true that she acted illegaly for years. And it's not fiction. This is exactly what she did. And we can guess that it was much more risky than Mr. Brainwash ! The direction is also challenging. They couldn't show the face of the main character. Besides, most of the scenes happened at night with a chaotic way of filming. The editing is dynamic. Through different chapters, we follow the timeline and we travel to meet artists. An off screen voice and some 80's music draw the last borders of the script. The more the project was going on, the more she traveled far from home. First, we met Puff Girls in Germany or Okada in Moscow (and corrupted policemen..). You can read the full list online. But the story was written worldwide. She couldn't meet Lotus, who passed away few days before Sany's trip to Sidney. Despite that, she went there and met Lotus' boyfriend and friends. The movie is touching with Martha (her praises made Sany cry at the end of the screening), Pink Lady, female pioneer of the NYC graff scene in the 80's. The spectator is also immersed in geographical background with Anarkia, known Brasilian street artist who was awarded by WWF for her humanist involvement. But wait a minute, graffiti is not institutionalized ! Utah (&Ether) are still thugs ! Just check their website and their « probation vacation ». Trains are not just means of transportation ! It's just the begining for Girl Power with other screenings and the possibility to buy the movie online in the fall. And the subject is endless. At the very end of the documentary, we can see women wearing veils tagging a wall in the Middle East. To be continued...


Texte : Cyrille Blanchard

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