Urban Art Fair 2016 - Carreau du Temple - Paris

Même si cela peut paraître surprenant, c'est la première fois au monde qu'est organisée une foire d'art urbain. Il n'y a pas de Street dans le nom de ce rassemblement de galeries spécialisées. Les artistes n'exposent pas dans la rue mais au Carreau du Temple. L'entrée est payante mais la manifestation va au delà des expositions. Des conférences furent tenues le samedi 23 avril et il y a de vraies possibilités de discuter avec les artistes sur les différents stands. C'est Yannick Boesso qui est à l'origine de l'Urban Art Fair. Il est jeune mais a réussi à convaincre une trentaine de galeries de le suivre dans cette première édition qui en appelle une autre en 2017. Titulaire d'un DUT Technique de commercialisation, ce golfeur de haut niveau avait ensuite rejoint l'Institut des Métiers de la Musique avant de devenir l'adjoint de Pascal Nègre à Universal. Il travailla ensuite directement à l'achat et la vente d’œuvres d'art. Des grands noms du milieu comme la galerie Mathgoth n'étaient pas présentes mais comme le rappelait Henri Thuaud : "ils vont se battre pour venir l'an prochain mais bon... tous les exposants de cette année vont se précipiter pour signer à nouveau!". D'après un article du Monde faisant le bilan de ce week-end, il en a été vendu pour 1.2 million, aucune du Banksy solo show et deux stands n'auraient pas remboursé leur participation. Les 20000 visiteurs du week-end ont eu des préférences. Voici les miennes. Lors de la conférence sur "le marché et les collectionneurs", une jeune femme s'est imposée entre les deux briscards que sont Henri Thuaud et Nicolas Laugero-Lassere (longtemps directeur de l'Espace Cardin). Justine Brault a ouvert sa By Night Gallery dans son appartement parisien qui doit être bien agréable s'il est encore mieux que le stand qu'elle occupait au Carreau du Temple. Depuis ses années lycéennes, elle traîne avec des artistes de Ménilmontant et connaît très bien le milieu. Aujourd'hui, elle est plus que crédible quand elle commande des œuvres au formidable OKUDA, dont les couleurs ont ébloui cette première édition : Westcoast Ecosystem (5760 euros), Multiflag Obama (9000 euros) ou encore No Identity (6840 euros), brodé par sa mère et sa sœur et représentant la première. 

"Ses" autres artistes sont aussi espagnols avec SAWE qui arrive à garder un ton "street" en faisant de l'aquarelle. No Future pouvait s'obtenir à 2600 euros. Et en dessous, ce sont les déclinaisons du One Way Pilot de SOZYONE GONZALEZ. Le pari était risqué de les réunir juste pour l'événement mais grandement réussi même si certaines œuvres sont arrivées vraiment juste avant l'accrochage prévu.


L'autre stand le plus sympathique était celui regroupant LES FRANCS COLLEURS. Ces formes que vous distinguez ci dessous sont disponibles sous forme de stickers augmentés pour coller un peu partout autour de vous. Une application existe donc pour les animer avec votre smart phone. L'un des membres Stéphane Carricondo était présent pour échanger de façon très sympathique avec les curieux. C'est un des fondateurs du 9e Concept dont font partie Les Francs Colleurs. Il se reconnaît tout à fait comme un artiste contemporain et était pas peu fier d'apprendre que Martha Cooper les ai cité en exemple lors de sa conférence.


La Galerie Francis Noël se situe à Liège et met en valeur ici SAYPE aka Guillaume Legros qui immortalise des scènes de transport en commun : 7h14 Paris, 6h51 Paris ou encore 6h24 Barcelone. Ces tableaux d'acrylique sur trois plaques de plexi ont été réalisées en 2016.


La PDP Gallery située à Paris expose l'artiste andalou MESA, issu de la Faculté des Beaux-Arts de Séville.



Si l'on avait à choisir une ville européenne nous donnant envie de visiter ses galeries, ce serait Amsterdam. Dans l'ordre, nous avons, ci dessous, la Kallenbach Gallery avec un portrait d'OKUDA (Okudography series 4) et le Signum Linguae de HANDIEDAN spécialisé dans le mixed media collage (son site ici). Celui-ci avait une valeur de 16500 euros.


THE FLOWER GUY aka MICHAEL DE FEO était présent sur le stand de la galerie The Garage, toujours à Amsterdam. Il nous a fait une carte postale avec une fleur. Peut-être aura-t-elle une grande valeur dans quelques années.


Enfin, il y avait aussi, from Amsterdam, Vroom & Varossieau avec le solo show de BANKSY ou encore le réputé DFACE.


Sinon, des artistes se distinguent du lot, au delà du cadre de leur galerie. BAULT était en démo.


C215 était un peu partout et même sur des boîtes aux lettres. La photo a pu être prise quand le type de la galerie avait fini de se reposer dessus...


On pouvait acquérir un lithographie du fameux duo allemand HERAKUT pour 320 euros (signé) ou 120 euros (non signé).


Quand on a vu le travail d'HOPARE dans la rue, on a du mal à se passionner pour une toile même si son style Graffuturiste est impressionnant.


PHILIPPE HERARD est venu à la rue sur le tard, après 40 ans. Il a quitté son atelier pour coller ses peintures dans les rues de Ménilmontant et Belleville.


La galerie Magda Danisz avait décidé d'exposer une Anthologie du Street Art issue de sa collection, dans l'esprit de sa publication de 2009, From Style Writing to Art. Dans l'ordre, SEEN, Futura, Miss Tic, VHILS, JONONE (qui d'après Henri Thuaud "n'attend que ça d'entrer sous son nom dans les musées"), Obey, Invader, Sten Lex, Ludo ou Yz. Les médiatrices furent très disponibles pour discuter et expliquer mais l'an prochain, on attend Magda Danisz en personne à l'Urban Art Fair.


Les conférences furent vraiment passionnantes dans le confortable auditorium du Carreau du Temple où fut projeté le soir le film Girl Power (longue chronique bilangue ici). Pour "l'histoire du mouvement", le casting était impeccable avec Martha Cooper et Henry Chalfant, auteurs du livre culte Subway Art en 1984 (dont le nom original était Art Transit). Ils ont immortalisé les tags des pionniers du graffiti grâce à un matériel de qualité dont ne disposaient pas les artistes. Martha a certes commencé par accompagner Dondi, Keith Haring mais a toujours suivi le mouvement. Elle nous montre des photos de Shepard Fairey, Cope2.. et reste très à l'affut de l'innovation. Katsu qui suspend une bombe à un drone téléguidé par un programme informatique. Elle vante les mérites d'Instagram pour repérer des talents (et éviter de se déplacer aux vernissages d'après Thuaud), semble assez fascinée par les Francs Colleurs ou encore ces œuvres qui s'animent en gif : http://gif-iti.tumblr.com/. Henry projette aussi des clichés comme celui d'un tag "Yo Henry you gotta catch a picture of this". Kool Koor et Toxic auraient pu le faire. Ils ont commencé dans les années 1970 dans le Bronx. Ils étaient des potes de Basquiat et sont face à nous. Ils nous expliquent le Motion Typing : écrire leur blaz' partout à l'intérieur des wagons des trains sans se faire choper par la sécurité, ce qui ne marchait pas toujours d'après une longue et drôle anecdote. Tout une époque où, d'après eux, la culture hip hop globale (Mc, break, graff..) était "dans leur sang". Tarek écrit pour le magazine Paris Tonkar et nous fait l'historique du mouvement en France. Il rappelle que ce sont les Américains comme Futura 2000 qui ont introduit le mouvement en France. Ce dernier créait sur la tournée des Clash tout en étant embauché pour le visuel d'une campagne de pub de la RATP.. Les temps ont bien changé. En tout cas, au début, dans les années 80, ce n'était pas un art des cités. C'est le rap qui a permis d'étendre le graff aux banlieues. Aujourd'hui, le "street art" est dans les galeries, représente à peu près 100 millions de ventes en France par an. Un colloque se prépare même sur le sujet. Lek & Sowat sont actuellement pensionnaires de la Villa Medici à Rome. Le street art se serait-il à ce point institutionnalisé ? L'artiste italien Blu serait-il le dernier résistant en effaçant son travail pour éviter la marchandisation ? C'est peut-être aussi dans les médias (le "chronicling") qu'on retrouve des passionnés un peu fous. Sabina Andron est doctorante dans le domaine et peut photographier le même tunnel de Waterloo Station pendant 100 jours consécutifs. Good Guy Boris nous a aussi bien fait marrer en essayant de raconter son histoire. De l'addiction à la cocaïne, la prison et l'utilisation d'une succession de réseaux sociaux qu'il illustrait sur écran par leur nom.. Il avait du préparer un discours décousu de deux heures pour 20 minutes de temps de parole. Il est un peu plus cohérent sur The Grifters. Dans le film Girl Power qui a brillamment clôturé la journée. Utah portait une casquette du site internet de Good Guy Boris. Respect!


Texte et Photos : Cyrille Blanchard

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