Juste la fin du monde

C'est la première envie de parler ici de Xavier Dolan. Et de ses acteurs. Désormais, peu d'entre eux voudraient le recaler. Après le succès de Mommy (hérité de l'estime pour ses quatre films précédents), Xavier Dolan a choisi d'adapter une pièce de théâtre, art qu'il n'est jamais simple de filmer. On connaît l'histoire. Elle fut d'ailleurs au programme de l'agrégation de Lettres Modernes ou au programme de l'option théâtre au baccalauréat. L'auteur, Jean-Luc Lagarce est malade du Sida. Il raconte le retour de Louis (lui) auprès de sa famille quittée des siècles plus tôt. Le scénario est très proche des grandes lignes de l’œuvre originale. Il doit annoncer sa mort certaine à sa mère, son frère, sa sœur et sa belle-sœur. Huit Clos. Pour tous, le choix des mots crée le malaise. Une vraie torture pour certains. Le raccourci de l'insulte pour rester à flot. Pourtant, le film est bavard dans ses envolées. On sait que Xavier Dolan réserve une grande place à la musique. Juste La Fin du Monde est séquencé comme un album de pop rock avec autant d'accélérations de rythme entrecoupées de magnifiques silences. Nathalie Baye et Léa Seydoux jouent les punks de l'histoire. La première est méconnaissable (quelle composition!) avec perruque, bijoux et makeup ostentatoires. Elle participe à l'épilepsie des instantanés de conversations qui perdent le contrôle. Mais quand elle le retrouve, un monologue fige le temps comme le théâtre en est capable. Et donc le cinéma de Dolan. Léa Seydoux est excessive, sans filtre et terriblement convaincante. Le réalisateur gonfle de maladresse sa superbe. Gaspard Ulliel joue le fils prodigue, posé, lettré. Il distille les mots et cela agace, dans le fond et la forme, le fiévreux Antoine. Vincent Cassel EST ce frère "brutal". Le choix peut paraître trop évident mais qui mieux que le Vinz de La Haine peut aussi bien l'incarner. La violence n'est pas intériorisée. On l'entend de sa bouche. Dès le premier plan, on devine des plaies sur ses phalanges. Mais quand, bien plus tard, Xavier Dolan nous les met en pleine face, les épaules du personnage sont bien plus larges. Antoine a tout compris de la venue de son frère. On ne l'a jamais considéré comme un cérébral mais pourtant il a tout compris. Et son comportement, souvent odieux, sert de bouclier face à l'annonce. Sa femme interprétée par Marion Cotillard (au jeu tellement plus nuancé en français qu'en anglais) est effacée mais existe bien. Ses grands yeux ronds reflètent le chaos ambiant. Xavier Dolan a aussi un sacré coup d’œil qu'il soit vif et contemplatif. Cette chaleur caniculaire, sans cesse évoquée par les personnages pour justifier leurs troubles, traverse l'écran. Xavier Dolan éteint la clim' artificielle de nos multiplex. Rayonnant.




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