Réparer les vivants

Katell Quillévéré adapte au cinéma le roman à succès de Maylis de Kerangal. Nous avons projeté dans notre imaginaire les personnages qui parcourent l'histoire d'une transplantation cardiaque. Le lecteur se fait sa représentation de Simon Limbres, victime d'un accident de voiture qui le conduit en mort cérébrale. De ses parents, Marianne et Sean. De sa petite amie Juliette. De l'ensemble du personnel hospitalier, au Havre et à Paris. Du receveur, Claire Méjean et ses proches. Katell Quillévéré a fait des des coupes dans les pages du livre tout en gardant le cœur de celui-ci. Le début du film respecte totalement l'esprit de l'écriture de Maylis de Kerangal. Simon est dans un couloir qui mène à la mort. Il dévale, de la ville haute jusqu'à rejoindre ses amis surfeurs et puis l'estuaire. Maylis compare la vague qui entoure Simon à une pâte basaltique. Katell réussit parfaitement à filmer cette expérience cathartique. Le surf n'a peut-être jamais été aussi bien montré. Notre interprétation est en phase avec la réalisation. L'accident ne pouvait pas être filmé différemment. Nous aimons aussi énormément le jeu de Tahar Rahim. Il incarne le coordinateur du don d'organe. Même si son amour du chant lyrique n'est pas rappelé, on retrouve la grande sensibilité de Thomas Rémige. Il est assez exceptionnel dans ce rôle comme Anne Dorval dans le sien. Claire Méjean est victime d'une maladie dégénérescente du cœur et attend un donneur. Son personnage a été densifié dans le scénario par rapport au roman. Quand on choisit une actrice de ce talent, on développe autour d'elle. On comprend d'ailleurs bien mieux dans le film la difficulté de vivre avec un cœur qui ne marche plus. Anne Guérande, ex petite amie de Claire, n'est pas dans le récit de Maylis de Kerangal. En jouant cette pianiste, Alice Taglioni participe aussi à élargir l'intérêt porté au receveur. La relation de Claire à ses fils est aussi beaucoup plus abordée dans le film et aide à faire comprendre la situation. Katell Quillévéré a fait des choix intelligents. Le rôle de l'infirmière est aussi beaucoup mieux dosé. On ressent le grand dévouement (pouvant être mêlé de solitude) pour cette profession. La grande humanité. Réparer les vivants, le livre et le film, est aussi une plongée dans la réalité médicale. Dans un grand média du soir, les actrices comparaient cette histoire à une course de relais. En effet, on suit les différentes étapes qui permettent une transplantation. Il faut avoir le cœur bien accroché lors des scènes d'opération. On voit l'organe migrer d'un corps à l'autre. Tout semble simple. Ce réalisme est indissociable de ce que nous raconte Maylis de Kerangal. Par contre, si le livre insistait beaucoup sur les sentiments de la famille, le film accorde moins de place à celle-ci. Kool Shen n'est plus le Sean de l'histoire mais un Vincent aux contours moins épais. Marianne pleure. Nous aurions aimé revivre la scène du bistrot, étape dans l'acceptation du don. Ce bar reste dans un lieu imaginaire. Juliette parle peu. Mais les deux scènes où elle apparaît avec Simon sont parmi les plus belles. Il avait un cœur de sportif qui continuera de vivre dans le corps d'un autre.


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Metallica/Gojira - Stade de France - Saint Denis - 12/05/2012

Miam Miam

Sebastiao Salgado - Genesis - Natural History Museum - London