Kalîla Wa Dimna - Les Quinconces - Le Mans - 13/01/2017

Le théâtre des Quinconces accueille pour deux représentations l'adaptation de Kalîla Wa Dimna. Ces fables datent du IIIe siècle, en Inde, puis furent adaptées en arabe vers 750. L'artiste Moneim Adwan, né à Gaza, a créé ce spectacle autour d'une d'elles, celle du Lion et du Bœuf. La première a eu lieu l'été dernier au festival lyrique d'Aix en Provence. La date du Mans est une des toutes premières de la tournée qui les mènera à la Philarmonie de Paris en mai prochain. En effet, le public manceau peut découvrir ce spectacle avant les Parisiens. Kalîla Wa Dimna est présenté comme un opéra mais commence dans une ambiance feutrée. La voix de Kalîla (narratrice et sœur jumelle de Dimna) est plutôt faible. Il faut donc de l'attention, de la concentration. Les notes du petit orchestre de cinq musiciens sont aussi tout à fait mesurées. Moneim joue le personnage de Dimna dont la performance vocale se rapproche beaucoup plus du chant traditionnel arabe que de l'opéra tel qu'il nous l'est présenté et de l'idée dont nous nous en faisons. Dimna veut garder sa place privilégiée près du roi qui a tout du pantin. Il est manipulé par ses conseillers et par sa mère très présente. Sa perruque joue avec le ridicule et le burlesque. Les décors de Philippe Casaban et Eric Charbeau sont dépouillés et ne sollicitent pas les cintriers. Quelques idées jouent avec les dimensions des éléments de décor mais la valeur du spectacle est ailleurs. Tout d'abord, l'histoire est belle. Les textes en français de la narration sont surtitrés en arabe et le chant arabe, en français. On découvre un rythme. Les chanteurs répètent souvent à plusieurs reprises les phrases. L'orchestre suit ces mesures saccadées. On apprécie une proposition tout à fait originale dans la saison de théâtre. Au violon, le virtuose Zied Zouari est le chef d'orchestre d'une partition jazz plutôt que classique, ce qui n'est pas pour nous déplaire. Le roi a une voix plus puissante ainsi que Chartaba, poète qui apporte des lumières dans la vie du monarque mais que Dimna fait passer pour un conspirateur appelant à la révolte. Chartaba en appelle à la Liberté. "Hurria" est scandé par Chartaba et par le cœur de tous les spectateurs présents qui applaudissent spontanément alors que sa chute ne marque pas la fin du spectacle. Même si nous écoutons des fables anciennes, ces textes ont une résonance dans le monde arabe actuel. "Si vous tuez un poète, il renaîtra en mille chansons", "le chant de Chartaba est devenu l'hymne du peuple". Dimna moque dans une prononciation perfide ce mot de liberté. Jean Chahid, interprète de Chartaba, fut finaliste de la Star Academy libanaise en 2013 et apporte une certaine fraîcheur à l'ensemble, en adéquation avec son personnage. Au fur et à mesure du spectacle, l'intensité gagne ce qui évapore l'impression mitigée du début. On pense particulièrement à la prestation toute en tension de la mère du roi. Ses mots répétés sont comme des flèches qui touchent leur cible. La scène où elle introduit corbeau, loup, chacal et chameau face au lion est d'une grande force. On aurait aimé que les voix se conjuguent davantage. Cette envie est comblée sur le tableau final sous une pluie d'écrits qu'on imagine empreints de liberté.

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