Vivian Maier - Jeu de Paume "Hors les Murs" - Château de Tours

Situé tout près la place de la Concorde, le Jeu de Paume décentralise ses expositions en région. Depuis 2010, la ville de Tours s'est rapprochée de l'institution et accueille jusqu'au 1er juin 2014 l'exposition Vivian Maier dans son château.

De 1951 aux années 1970, Vivian Maier fut gouvernante à Chicago. Elle s'occupait des enfants et sur son temps libre, elle photographiait. Equipée d'un Rolleiflex, elle parcourt les rues de New York puis Chicago pour immortaliser des scènes de l'Amérique des Trente Glorieuses.Son appareil est biobjectif. Le premier est placé sur le dessus pour la visée. Le viseur est placé à hauteur de poitrine ce qui permet de capter des instants sans être vu. On la reconnaît d'ailleurs à plusieurs reprises sur des auto-portraits, se reflétant dans tout miroir qui se présente. Le selfie avant l'heure, en bien plus classe.

 

 

Elle resta une photographe anonyme de son vivant, ne montrant à personne même pas à elle même (par manque de moyens pour les développer) ses 120 000 prises de vue réalisées en trente ans. En 2007, deux ans avant sa mort, l'intégralité de sa production photographique avait été saisie et vendue pour honorer des loyers impayés. Jeune agent immobilier de 25 ans, John Maloof en obtient pour 400 dollars. Hommage lui est rendu à travers cette expo de tirages argentiques posthumes réalisés en 2013, noir et blanc puis couleur grâce à son Leica des années 70. Ses films en Super 8 sont aussi bien mis en valeur et très arty pour une artiste qui se cachait de l'être. On la compare pourtant aujourd'hui à Lisette Model à qui le Jeu de Paume avait consacrée une expo en 2010 (ici). En effet, Vivian photographiait les passants, les enfants et leurs expressions de tristesse et de joie, les commerçants. Son cliché de janvier 1956 où les chaussures d'un épicier se glissent sous le rideau d'une vitrine qui reflète les voitures de l'avenue rappelle les Running Legs de Lisette. 

 

Son portrait du vieux monsieur qui dormait dans le kiosque à journaux qu'il tenait, entourée des Life, Time ou autre Variety arrête quelques minutes tout visiteur curieux. Elle immortalisait aussi les laissés pour compte : sans abris d'une période de forte croissance économique. 

 

Elle se balade dans les grandes villes américaines et les montre. Une photo du haut d'un skyscraper new-yorkais nous montre la ville tel un véritable tableau que l'on pourrait croire crayonné. Comme Umbo ou Martin Lewis, elle aurait pu participer à l'expo La ville magique du LAM l'an passé (ici). Certaines photos sont plus posées. Equipée de son Leica qui se porte à hauteur de visage, elle peut moins prendre son sujet par surprise. L'arrivée de la couleur changea son art qui devint moins réaliste mais mais tout aussi artistique, lui apportant une véritable valeur ajoutée. 

La découverte de l’œuvre de Vivian Maier est une des grandes surprises de ces dernières années et un véritable événement pour tout amateur d'art. Le parcours se termine par un espace éducatif bien pensé où quatre panneaux mettent en relation des photographies pour réfléchir sur la composition de l'image, la relation de l'artiste avec le sujet, le champ, le contre-champ.. N'hésitez pas à profiter de cette exposition gratuite et passionnante.