Primavera Sound - Day 1 - Barcelona - 29/05/2014

Vous jugerez peut-être la comparaison audacieuse voire déplacée. Mais souvenons nous. Au tout début des années 1980, un jeune groupe nommé U2 publiait la trilogie Boy-October-War et devenait l'un des plus grands groupes de rock du monde. La suite fut encore plus dorée avec The Unforgettable Fire et The Joshua Tree. Si nos grands frères et sœurs ont vécu U2 à leur apogée, pourquoi n'aurions nous pas également notre groupe qui incarne la grandeur du rock au sens large : ARCADE FIRE. Bien sûr, les ventes de disques sont incomparables, la musique est différente mais il faut bien témoigner de cette communion qui existe autour de ce groupe. Et qu'une musique aussi intelligente, sophistiquée, sans bornes définies de style finalement puisse toucher un public aussi large en générations et chapelles peut nous rassurer dans l'avenir de l'humanité. Sur ces trois jours de festival, c'est clairement pour Arcade Fire que l'assistance fut la plus dense et dévouée. Et c'est un vrai plaisir d'être immergé dans un public anglophone qui chante donc les bonnes paroles : "I found a way to enter ... it's just a reflektor". Surtout que notre français peut briller "entre la nuit, la nuit et l'aurore..". Il est minuit et demi face à la grande Sony Stage et le concert des Canadiens part sur les chapeaux de roue.


Leur nouvel album Reflektor est bien entendu le fil rouge de ce concert. Après le titre éponyme, Flashbulb Eyes est interprété puis rapidement Joan of Arc ("Jeanne d'Arc ah ooh!"). On réalise vraiment la force du collectif. Sa formation étant extensible, le groupe ne pose pas de limites à sa création. Si besoin, faisons sonner les percussions, les cuivres, les cordes. Pendant ce temps, Richard Parry, Tim Kingsbury, William Butler, Jeremy Gara abattent un travail monumental en rythmique.  Régine Chassagne ondule d'un instrument à l'autre et Win Butler s'impose en frontman. Ce dernier n'a pas un registre vocal extraordinaire ni un charisme né mais pourtant il tient remarquablement la scène. Il rappelle qu'en 2005 Arcade Fire était venu jouer dans ce festival pour présenter Funeral, album particulièrement célébré ce soir dans la setlist. Et sur ces morceaux, le public réagit avec une chaleur plus grande que sur les titres de Reflektor : la série des Neighborhood, Rebellion (Lies), Haïti. Quelle clameur également quand Win Butler annonce No Cars Go (de l'album Neon Bible) ! Le "riff" d'accordéon est repris en chœur et les "hey" ponctués. Personnellement, c'est l'enchaînement The Surburbs / Ready to Start qui me fait transplaner. Arcade Fire fait durer le premier titre sur "Sometimes I can't believe it. I'm moving past the feeling" chanté par le public. Et quelle énergie quand mes voisins de foule font claquer dans la nuit le ("If I was yours) but I'm not !!!". Très impressionnant... On se calme pour apprécier à leur juste valeur les belles nuances mélodiques de We Exist, It's Never Over (avec un sacré bon riff, simple mais efficace) ou Afterlife. A la fin de Sprawl II, leurs fameux personnages aux grosses têtes de papier mâché entrent en scène sur fond de Tequila. Le Pape François en tombe à la renverse ce qui a le don de faire marrer Win Butler ("too much holy water") qui à ce qu'il en oublie les paroles de Normal Person dans l'euphorie générale. Celle-ci se maintient à haut degré sur ce titre fait pour la scène : Here Comes The Night Time. Tout le monde danse dans la douce nuit barcelonaise sous un nuage de confettis. Le concert aurait pu se terminer ainsi mais la fête n'est pas totale sans les "OH OH OHOHOHOH OH OH....." de Wake Up, hymne des origines du groupe. Quelle communion, quelle consécration, du grand art (rock).


Juste avant, les QUEENS OF THE STONE AGE jouaient sur l'autre grande scène, celle du fournisseur exclusif de bière du festival, Heineken. Bien sûr, leur nouveau batteur a un jeu plutôt visuel mais tous les regards sont destinés à Josh Homme. C'est fou comme le Monsieur prend la pose. Gretsch et clope... Ibanez et cigarette électronique et le mythe s'effondrerait. Les amateurs de Gretsch aimeraient par contre que le son soit bien plus clair. En face, plutôt proche de la scène, la basse l'emporte outrageusement dans le mix. Au sein d'une programmation de groupes bien plus mélodiques, les Queens apparaissent comme de bons bourrins avec un son garage.. Alors bien sûr on fait plus ou moins abstraction de cette fâcheuse balance quand la fosse s'anime sur No One Knows, Feel Good Hit of the Summer, classique parmi les classiques. Ce concert prouve, s'il en était besoin, que le groupe a publié l'an passé un de ses tous meilleurs albums. My God is the Sun, Smooth is Sailing, If I Had a Tail, Fairweather Friends, I Sat by the Ocean sont autant de pépites de rock classieux. Josh minaude un peu trop sur ...Like Clockwork tout comme pour cette fin interminable de Make It Wit Chu, surtout en festival, surtout avant Arcade Fire... Le set de Queens of the Stone Age est sympathique mais demeure comme une parenthèse entre les formidables shows d'Arcade Fire et ST VINCENT. 


Josh Homme l'a même rappelé pendant son concert. "What an incredible woman!". Annie Clark aka St Vincent est en effet incroyable. Elle fut même choisie, avec ses copines Joan Jett, Kim Gordon et Lorde, pour interpréter des titres de Nirvana à côté de Grohl, Novoselic et Smear pour l'introduction du groupe au Rock and Rock Hall of Fame. Mais il faut bien avouer que l'artiste est bien plus à l'aise sur son magnifique répertoire. Elle arrive sur scène tel une marionnette que l'on animerait avec des fils. Ses longues jambes fines se balancent frénétiquement. Le moindre de ses mouvements semble téléguidé. Fascinant. Le son est absolument parfait pour interpréter les tubes de son nouvel album sorti en début d'année. La guitare est écorchée sur Rattlesnake. Puis vient rapidement Digital Witness que n'aurait pas renié Madonna sur l'excellent Ray of Light. A nouveau, nous avons affaire à un public connaisseur qui réagit vivement sur les singles plus anciens Cruel, Surgeon ou Cheerleader. L'artiste est entourée d'un batteur au kit mi acoustique mi électronique et de son alter ego dans la mise en scène, à la guitare ou aux claviers. Un podium est disposé au centre de la scène. Annie le rejoint sur le tube absolu qu'est Prince Johnny (déjà dans notre playlist du premier trimestre ici). La voix est cristalline, le son de guitare tranchant, le visage illuminé. Nous avons d'ailleurs souvent droit à un gros plan de profil sur celui-ci. Le morceau s'envole dans un solo plein de feeling qui n'est pas sur album puis tel un pantin désarticulé la chanteuse s'effondre du haut de son perchoir. La mise en scène est troublante donc captivante. Elle reprendra ses esprits sur un chapelet de titres dont trois singles potentiels de son nouvel album : Huey Newton, Bring Me Your Loves, Birth in Reverse. St Vincent nous a retourné le cœur et l'esprit. Un talent à ne plus jamais rater.



Un peu plus tôt, les Américains de MIDLAKE ont plus que convaincu sous le soleil de Barcelone. Le groupe revient de loin. Leur chanteur et songwriter Tim Smith quitta le groupe en 2012. Mais les autres musiciens décidèrent de continuer l'aventure en propulsant le guitariste Eric Pulido au micro. Le travail enregistré avec Smith ne fut pas conservé et le groupe s'employa à créer Antiphon, nouvel album publié l'an passé. Bien leur en a pris car cet album est très réussi comme le rappelait encore récemment le génial Thomas Giles. La prestation de Midlake ne souffre pas de l'absence de leur ancienne voix, surtout quand la musique s'appuie autant sur les chœurs recréant très bien l'ambiance des disques The Trial of Van Occupanther et Antiphon. Le premier cité, datant de 2006, permet de célébrer leur plus "gros" single Roscoe. Celui-ci s'enchaîne très bien avec les titres du nouvel album. Si évolution il y a, elle est tout à fait cohérente quand on écoute les belles mélodies de This Weight, Ages ou The Old and the Young. Il faut souligner également le jeu électrique du nouveau guitariste du groupe Joey McClellan en rythmique ou en solo. Pourquoi je n'écoutais pas Midlake avant ? Ben parce que c'est mieux maintenant!


Sinon, ce premier jour avait commencé sur les Main Stages par des sets plutôt décevants de Real Estate et WARPAINT. Non pas que ces quatre jeunes femmes manquent de talent.. Le jeu de batterie pieds nus de Stella Mozgawa est très visuel et dynamique. Avec elle, Jenny Lee Lindberg à la basse tient vraiment la baraque avec sa tenue militaire et ses cheveux roses. Mais si la défense centrale est solide, l'attaque est moins percutante. Le chant d'Emily Kokal est plutôt irritant. Leur reprise du Ashes to Ashes de Bowie ne décolle vraiment pas. L'avantage du festival est de pouvoir se déplacer rapidement d'une scène à l'autre quand le courant passe moins. S'arrêter quelques instants pour danser avec Moveis Coloniais de Acaju est plutôt une bonne idée. Et puis, au bord de la mer, on est plus tolérant!


                                       Photos (groupes) : Dani Canto (primaverasound.es) / La Vanguardia
                                              Texte, photos, courtes vidéos : Cyrille Blanchard

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