La Face Cachée de la Lune - Les Quinconces - Le Mans - 23/11/2014

Les spectateurs l'attendaient depuis des mois. D'abord annoncé en avril puis reprogrammé en novembre, le spectacle La Face Cachée de la Lune se dévoile enfin. Le maître d’œuvre du projet Thierry Balasse pensait ne jouer cette réinterprétation de l'album mythique des Pink Floyd, The Dark Side of the Moon, qu'une dizaine de fois. Le chanteur de Magma n'a pu poursuivre l'aventure mais aujourd'hui, plus de soixante-dix représentations ont eu lieu à travers la France. Au Mans, elle se conclut par une standing ovation digne du concert fascinant qui vient de s'achever. Thierry Balasse et l'ingénieur du son façade Etienne Bultingaire reviennent rapidement sur scène pour répondre aux questions du public. Après le magnifique rendez-vous musical, la rencontre est humaine avec ces experts en son. Avec humour et précision scientifique, les artistes nous éclairent sur leur réflexion qui a permis de recréer quarante ans plus tard le son de Pink Floyd en studio. 


L'introduction du concert fut jouée sans le recours de la console analogique. La batterie n'est pas amplifiée d'où ce son sec et brut. Les niveaux ne sont pas équilibrés et la guitare d'Eric Löhrer ne domine pas la basse d'Olivier Lété. Les autres musiciens rejoignent la scène progressivement tout comme le responsable de la régie son scène et la magie sonore opère pleinement. S'il existe près de soixante-dix groupes qui tournent dans le monde reprenant la musique de Pink Floyd, nous avons devant nous le seul qui ne sample rien. Par exemple, devant un micro à la sensibilité extraordinaire, Benoit Meurant étend subitement un tissu pour obtenir un battement de cœur. Thierry Balasse l'enregistre sur une bande analogique qu'il étire devant nous pour que cette boucle se reproduise pendant tout le concert. Auprès de l'orgue Hammond de Julien Padovani, une cabine Leslie est chargée de diffuser le son grâce à son système d'amplification à lampe et de tambour rotatif. Avec Thierry Dailleau (qui nous a quitté en mai 2013), Thierry Balasse a écouté minutieusement The Dark Side of the Moon, s'est replongé dans les écrits d'Alan Parsons, responsable de l'enregistrement du disque dont les vidéos existantes ont été analysées. L'objectif n'était pas de jouer l'album note par note. Il souhaitait que chaque musicien étudie la patte de chaque flamand rose. Bien sûr, nous retenons le superbe son de guitare parfaitement maitrisé de Breathe mais pour Thierry Balasse ce n'est pas David Gilmour qu'il voulait recréer mais qu'Eric Löhrer s'approprie sa signature. Le cœur de la scène est occupé par les synthés (Minimoog, Synthi AKS, Nord stage, VCS 3, Wurlitzer) qui nous prouvent à quel point le titre On the Run était précurseur de la musique électronique. Une grande part est laissée à l'improvisation. Pour le justifier, Jean Jaurès est cité. Dans un mémoire philosophique, il s'était prononcé sur la musique abstraite c'est à dire celle que l'artiste imagine avant de la retranscrire sur une partition. Mais il n'oublie pas non plus la musique dite concrète qui d'après lui "touche des parties encore inconnues de notre âme". Notre cerveau humain nous renvoie un son en fonction de la mémoire déjà imprimée durant notre existence. Par conséquent, tout concert est perçu différemment par chacun. Personnellement, si toutes les parties instrumentales touchent en plein cœur, le chant manque un peu de profondeur, certains spoken words traduisent quelques imperfections de prononciation. Sur Time, l'utilisation de différents réveils ou cloches est absolument génial, l'équilibre du son est cristallin mais les vocalises ne procurent que peu d'émotion. Par contre, ce solo de basse trituré est à tomber et nous fait réaliser s'il en est besoin à quel point Tool s'inspire de ses grands oncles britanniques. Le chef d'orchestre ne reprochera sûrement pas cette critique tout à fait subjective lui qui tient temps au bémol et à la liberté d'expression. 


La caisse enregistreuse n'aura coûté à la Compagnie Inouïe "que 70 euros sur ebay" mais elle change tout à l'interprétation de Money. Après une calme intro guitare-voix bien bluesy, Thierry encaisse, Benoit Meurant découpe une feuille de papier en rythme, Cécile Maisonhaute secoue des pièces dans des saladiers et nous avons le gimmick du single phare de l'album. La liberté prise par ce projet en terme d'interprétation permet même à Thierry Balasse de supprimer ce qu'il n'aime pas sur l'album. Et le vilain saxo (d'après lui) est remplacé par des effets plutôt bien sentis. Même sans, Us and Them est un véritable monument aux chœurs parfaitement maitrisés. Eclipse ne l'est pas moins. Plus tôt, Cécile Maisonhaute avait ponctué une superbe mélodie au piano à queue des premières notes du morceau Echoes. On pouvait donc raisonnablement se demander si d'autres projets étaient dans les cordons d'alimentation. Thierry Balasse nous arrête tout de suite. Cette expérience a succès est une parenthèse pour sa compagnie de spectacle. "On titre sur de la musique improvisée par la Compagnie Inouïe, personne ne vient donc on s'est dit que mettre Pink Floyd sur l'affiche ça ramènerait du monde et visiblement ça a marché, on vous a bien eu ah ah!" S'en suivra un discours citoyen et engagé. Il se présente comme un employeur de spectacle qui a juste envie de donner la parole au public et non au Medef. Et si une inscription au conservatoire coûte trop cher ou décourage, chantez, tapez sur des casseroles et créez. On en sort avec la folle envie de sortir l'instrument du placard, pousser les murs et ouvrir grand les oreilles. Que le cerveau imprime de nouveaux sons et le monde sera bon!

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