Mission - L'Espal - Le Mans - 13/11/2014

Congo Een Geschiedenis fut publié en 2010 par David Van Reybrouck. Un succès public considérable pour ces 680 pages de l'histoire de ce pays. Le livre a obtenu le Goncourt néerlandais et a surtout permis aux lecteurs belges de se retrouver autour de leur histoire coloniale. L'auteur avait visité plusieurs fois le Congo où son père vécut. Il s'est entretenu longuement avec des missionnaires et lui-même créa des ateliers d'écriture. De cette expérience, il en tira aussi une pièce de théâtre, Mission. Celle-ci avait profondément marqué les spectateurs manceaux l'an passé. Les Quinconces - L'Espal est donc particulièrement inspiré de reprogrammer cette œuvre pour deux soirées qui font recette. En entrant dans la salle, on ressent une véritable attente pour l'histoire du Père André, missionnaire belge qui se pose en conférencier. La voix de l'acteur Bruno Vanden Broecke tient sur un fil derrière son pupitre. On est plutôt inspiré de s'être posé au plus près de l'artiste qui incarne parfaitement son rôle. Son texte est une partition que l'on suit à la note près. Grâce à la force d'écriture de David et la justesse de Bruno, les spectateurs sont captivés pendant près de deux heures par la performance tout en mesure d'un homme seul sur scène. 


Le Père André sait être drôle quand il s'interroge sur nos produits de consommation lui qui a connu le dénuement de la brousse. Quand la lave a recouvert le rez-de-chaussée de son dispensaire, on remplace la fenêtre par une porte. Tout simplement. Sa posture courbée traduit son départ en mission il y a 55 ans et il entretient ses souvenirs avec la technologie datée d'un dictaphone : "mémoire auditive" du lit d'un fleuve agité. Il voit à travers ce flot. Dès que l'humour nous déride, l'émotion surgit immédiatement. "Mes parents m'ont toujours soutenu" dit-il lui le frère d'un autre prêtre belge. Mais, il nous touche quand il confesse le maladie et la mort de ses parents. Il sait aussi être drôle et critique sur l’Église catholique. Il n'espérait pas de réelles réformes du "Polonais" ou de "l'Allemand" mais compte sur "l'Italien". (Pourquoi ne dit-il pas "l'Argentin" ?). Il ne croit pas au célibat des prêtres en Afrique ou remet en cause certains dogmes. A l'instar de la série Ainsi Soient-Ils, Mission peut associer intelligemment religion et modernité. On plie de rire également quand il raconte comment les interminables confessions individuelles sont devenues des confessions collectives ou comment il a baptisé un enfant qui portait comme patronyme son nom et son prénom. Visiblement une famille fan des noms à rallonge d'outre Quiévrain. Bien sûr au Congo il a tout connu : Lumumba et l'indépendance, les années Mobutu puis Kabila... Il parle de la "campagne d'authenticité" ou "zaïrisation"' de Mobutu pendant laquelle on brisait les crucifix. Son discours nous interpelle au sens propre comme au sens figuré. Nous n'avons pas de questions et il est sur le point de quitter la scène avant de revenir pour nous parler de l'adultère de son frère puis se livrer comme jamais sur ses souvenirs du génocide de 1996. Du rire, les sacoches dans les rayons, aux larmes, les corps détruits. Il a beau avoir tout vu, il y a un passé qui ne passe pas. Enfin, nous découvrons ce que cache cette protubérance sous ce tapis de scène. Quand il en appelle à Dieu, l'orage gronde. "Figure in black which points at me" "Satan's sitting there he's smiling" aurait pu résonner sur ce superbe effet de scène qui vient clore un spectacle d'une force et d'une sensibilité comme on en voit rarement.

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