Timbuktu

En avril 2012, les jihadistes s'emparent de Tombouctou au Mali et imposent rapidement la charia. C'est dans sa Mauritanie natale que le réalisateur Abderrahmane Sissako a recréé cette sombre réalité où l'on s'entraine au tir sur les statues du patrimoine local. Les islamistes diffusent leurs règles dans les ruelles de la ville. Les femmes doivent porter le voile et des gants. Les hommes doivent raccourcir leurs pantalons. Personne ne doit écouter de la musique ou jouer au football. La police rode et traîne devant la justice les fautifs. Les scènes de lapidation et de flagellation sont insoutenables. Seules les têtes émergent du sable et servent de cibles aux pierres lancées. Le chant plaintif de Fatoumata Diarra nous touche pendant que, sur son dos, les coups de fouet tiennent la mesure. Cette violente censure rappelle aussi le film Les Chats Persans. La violence répond à l'insouciance de quelques notes. Par ailleurs, c'est à travers une chorégraphie de football sans ballon que répondent les jeunes Maliens sur la terre ocre de Timbuktu. C'est par le burlesque et la poésie que Sissako réussit à doser les émotions fortes de ce film. Ces apprentis jihadistes galèrent pas mal pour enregistrer leur message de propagande et plient presque devant cette égérie de la résistance entourée de ses coqs, peut-être un signe annonciateur de l'arrivée française. En octobre 2012, on se souvient que les femmes avaient manifesté dans la ville protestant contre les abus à leur égard. Et puis, dans le désert, vivent Satima, ses deux enfants Issan et Toya dont le père Kidane élève la fratrie autour d'un léger cheptel. Il est difficile d'y avoir du réseau mais pourtant une vache s'appelle GPS. Le long d'un lac, elle s'égare et se prend dans les filets du pêcheur. La lutte qui suit fait écho au code d'honneur d'une société patriarcale. Abderrahmane Sissako l'exprime à l'écran par un magnifique tableau d'art contemporain. Au lointain, des silhouettes que l'on croirait tracer à l'encre de chine, tombent, se relèvent, tombent, se redressent, ne se redressent pas. Et la musique envoutante d'Amine Bouhafa nous accompagne dans ce voyage entre douleur et beauté. Saisissant.


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