Lofofora - L'Oasis - Le Mans - 23/01/2015

Lofofora a désormais plus de 20 ans dans le cœur et dans les tripes. Répétons-le à nouveau sur Band Meeting, le groupe vient de sortir un de ses (le ?) meilleurs albums avec L’Épreuve du contraire. Nous étions à la Cigale en octobre 2003 quand il enregistrait son Live Lames de Fond. Une décennie plus tard, le groupe semble toujours plus affuté. La plume de Reuno tranche dans le vif et nous fait réfléchir. Sa voix est un roc, une péninsule. Phil tient le cap tel un iroquois autour de son totem. Les riffs de Daniel rivalisent d'énergie et d'imagination. Vincent est le batteur du groupe depuis 2009 et a clairement permis au groupe de gagner en impact. Il joue dans la cour des Mario Duplantier et Franky Costanza. On a aussi l'impression que l'expérience du Bal des Enragés (ici) a fini de décomplexer le groupe sur scène. Reuno a toujours été hyper expressif mais il a gagné en théâtralité. La mise en scène est soignée et, à ma connaissance, le jeu de lumière n'a jamais été aussi travaillé à un concert de Lofofora. Merci donc à l'association Agi-T d'organiser ce "concert solidaire". Après avoir ouvert la scène du PCV aux Ramoneurs de Menhir par exemple, elle s'associe à l'Oasis pour reverser un don à l'association Un Repas pour Tous qui aide les plus démunis dans la ville du Mans. C'est avec la grande intégrité qui le caractérise que Reuno encourage l'assistance à aider au quotidien cette belle initiative. 


La présence de Subsonic sur l'affiche tombe aussi sous le sens. Le trio donne dans le rock engagé naviguant entre l'esprit punk, le hard rock et des riffs de metal qui nous font dire que Fred doit être bien fan de Zakk Wylde. Autour de leur Dis moi, Asocial, No Way ou Babylone Pogo, les musiciens nous offrent une reprise de Requiem pour un Con de Gainsbarre. Ils balancent également un petit Antisocial des familles. Pierre s'emmêle un peu dans les paroles mais ce n'est pas bien grave. Comme il le répète, on est là "pour se faire plaiz'". Les locaux de Novels investissent la scène dans la foulée. Boris (7Club) a rejoint le groupe en juin à la seconde guitare. La réflexion sur l'occupation de l'espace scénique est clairement une de leurs priorités comme sur cette fin d'Automatic se voulant chaotique. Pour les fans, la bonne nouvelle est l'annonce de leur retour prochain en studio. Par contre, hier soir, à l'Oasis, il était bien difficile de capter toutes les subtilités de Mirror Dog en raison d'un son bien trop fort et pas toujours équilibré. Heureusement, pour Lofofora, celui-ci fut de grande qualité. D'entrée de jeu, les Lofo nous la font un peu à l'envers. Une musique orchestrale annonce leur entrée en scène et ce sont les délicates mesures de guitare de Notre Terre (dernier morceau du nouvel album) qui lancent le spectacle. Cette entrée en matière toute en nuance est vraiment excellente et renforce encore plus l'impact de L'Oeuf qui déclenche les hostilités dans la fosse. Nous avons entendu tellement de déclarations ce mois de janvier 2015 qui restera dans l'histoire. Mais ça fait vraiment du bien de reprendre leurs hymnes solidaires. On nous répète qu'il faut relancer les valeurs mais, autour de la musique de Lofofora et d'autres artistes, nous y avons toujours cru et nous nous sommes toujours battus pour elles. Le concert ne relâche pas la pression avec les deux titres qui ouvrent Dur Comme Fer : Au Secours et Charisman. "A chacun de mes mots tu restes accroché à ma bouche. Ma voix t'appelle comme le miel attire les mouches". L'innocence est aussi une démonstration métallique ("J'étais certain que la liberté était une priorité et pendant ce temps les hirondelles se ramassent à la pelle"). Et dire que le groupe n'a joué qu'une demi-heure à Clisson en dix ans de Hellfest.. Nous l'avions vu au Fury Fest du Mans et Reuno semble ravi d'être en Sarthe à nouveau. "Mon grand père a vécu jusqu'à 94 ans et il était là en Sarthe. Et dans sa tête, il est toujours resté sauvage ! Il y a des sauvages dans la Sarthe ?". Le public, tel un "enfant sauvage", ne fait pas de quartier sur l'irrésistible Le Fond et la Forme, Pornolitique.. De Mémoire des singes, on n'avait jamais vu ça. Répétons. Insistons. Leur nouvel album est excellent. Totalement maitrisé, Contre les Murs est un sacré tube au refrain scandé. En introduction de cet article, on vantait les qualités de chaque musicien mais revenons sur Reuno, Reuno !


Jamais trahi par sa voix, l'artiste fait le show. Sur la légère avancée collée contre la barrière, il fixe les smart phones cherchant à immortaliser l'instant sur Le Malheur des Autres, lourd de sens. Le premier couplet a capella de Pyromane est aussi parfait. Il fait monter sur scène un très jeune apprenti batteur pour le placer au plus près de Vincent "c'est comme un stage de collège mais en formation accélérée. Et puis, si batteur ça te plaît pas, tu pourras faire chanteur!". "Bon maintenant on fait une chanson pour les enfants c'est ça" (réalisant que la setlist indique La Tsarine). Il rappelle que seuls les idiots suivent ceux qui dressent les gens les uns contre les autres. Et de balancer avec rage leur brulot anti Front National devant un public qui n'en demandait pas moins. L'enchaînement avec Justice pour Tous est implacable. Les Lofofora ne sont pas du genre à minauder. "On vous laisse pas dans le noir comme des cons, le rappel c'est maintenant". Pas d'Holiday in France mais Vice et Râle plutôt avant que Reuno annonce que ces derniers temps, il se sentait assez blasé. Il poursuit en affirmant qu'il déteste ce sentiment contraire à la curiosité, au désir d'apprendre. Très bien amené par ce speech, le génial Auto Pilote nous rajeunit de dix ans. Reuno reprend la parole pour demander si certains d'entre nous étaient présents à Allonnes pour le Bal des Enragés. L'émotion est palpable pour cet hommage à Shultz des Parabellum, décédé en septembre 2014, qui participait à cette tournée itinérante, qui était très proche du groupe depuis longtemps. Reuno porte d'ailleurs un t-shirt de Chez Narcisse où se tiendra en mars prochain un concert hommage. Il y avait une lueur particulière dans l’œil des musiciens sur Ilôt Amsterdam. Shultz était sûrement lui aussi un adolescent attardé. Lofofora choisit de terminer son set par Double A, titre du nouvel album, naïvement punk et diablement festif. Les musiciens traînent et serrent des mains à la fin de ce concert remarquable. Les concerts metal sont rares au Mans et heureusement qu'en France nous avons notre Triple A pour venir quand même jusqu'ici : Lofofora, Mass Hysteria, Gojira. Ces deux derniers sortiront des albums en 2015.


Photos : Vincent Leroux / Laurence Tacheau
Texte : Cyrille Blanchard

Commentaires

  1. Une déferlante d'énergie contagieuse!
    Lofo généreux, Reuno joueur, à consommer sans modération.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Metallica/Gojira - Stade de France - Saint Denis - 12/05/2012

Miam Miam

Sebastiao Salgado - Genesis - Natural History Museum - London