Faith No More - Zitadelle Spandau - Berlin - 06/06/2015

Ce 6 juin 2015, en arrivant près du site où a lieu le concert, les t-shirts noirs remplacent les maillots du Barça et de la Juve qui se défiaient en ville cette journée de finale de Ligue des Champions. Les spectateurs avancent patiemment vers l'antre de cette seconde soirée du Citadel Music Festival qui, pour sa dixième édition, réunit tout l'été des artistes aux musiques variées. Sur la vidéo promo (ici), on devine le joli cadre au sein duquel une scène est posée. Cette citadelle de briques fut construite au XVIe siècle à la confluence de la Spree et de la Havel. C'est le plus ancien bâtiment de la ville et ne fut pas détruit lors de reddition allemande face aux Soviétiques en mai 1945. A l'ombre des hautes tours, les arbres offrent un peu d'ombre sous le soleil chaud et éclatant. Cela nous promet une belle soirée estivale pour jouir d'un concert de Faith No More en tête d'affiche. Une première. Lors de leur retour en 2009, nous les avions adoré à Rock en Seine (ici) puis raté en 2011. Cette fois-ci, la température est montée tout au long de cette année 2015 et la publication de leur excellent nouvel album Sol Invictus. On sent un groupe heureux comme jamais, très complice, impeccable en interprétation et mature à souhait pour tenir la foule. 


Mike Patton est revenu au bercail mais ne renie en rien ses activités parallèles. Afin de prouver encore plus que c'est une soirée 100% FNM, Anthony Pateras a été choisi pour la première partie. Après une certaine attente, le musicien australien rejoint son piano placé au centre de la scène. Issu de Tzadik Records et Ipecac Recordings (pour son projet Tetema avec Patton), il commence à jouer en frappant violemment les touches de son instrument. En fait, il n'interpréta qu'un (très long) morceau bruitiste à souhait ce qui n'est pas étonnant pour quelqu'un auquel France Musique associe, dans sa biographie, l'expression de "piano-grindcore". Le public s'en amuse. Il l'encourage quand il repose ses doigts et avant-bras sur quelques notes plus légères avant de redonner dans le percussif. Un concert de première partie juste assez long pour comprendre le sens de cette performance contemporaine et qui sait s'arrêter avant de nous ennuyer.


Le soleil brille toujours et l'air doux de la soirée berlinoise nous détend. De plus, c'est plutôt intéressant d'observer la transformation de la scène par les roadies. Ils couvrent tous les amplis de linge blanc et clou du spectacle, une fois tous les instruments réglés, ils viennent déposer moult jardinières de fleurs. Le décor est posé et les tubes cheesy se succèdent dans la sono avant que tout se coupe pour l'entrée du groupe. Les notes de piano hantées de Motherfucker lancent fort logiquement le show. Roddy Bottum y va de sa voix trafiquée avant l'entrée en scène de Mike Patton derrière son golden microphone. Le public reprend en choeur la mélodie lancinante de ce titre introductif. L'ami Bottum est toujours à la fête sur le deuxième morceau, Be Agressive, à la mélodie de synthé imparable. 


A l'époque d'Angel Dust, il avait soigné les paroles pour son frontman et le public donne de sa personne pour l'accompagner : "I swallow I swallow I swallow I swallow !!!" Le cardio remonte en flèche et ce n'est pas Caffeine qui le calme. On a beau voir des tas de chanteurs l'imiter ou même s'y essayer, Mike Patton reste le patron absolu, le godfather du chant crié et lyrique. Evidence nous repose verticales et cordes vocales mais les fessiers continuent de remuer sur cette mélodie doucement funky. But "What is it ? It's it ! What is it ?" It's ... Epic qui déboule en force ! Basse et batterie claquent et John Hudson assurent parfaitement riffs et solo jusqu'aux dernières notes de piano de Roddy Bottum. On le signale car, tellement pris dans l'ambiance à suivre toutes les lyrics du General Patton, on en oublierait presque que pour permettre une telle efficacité, Gould et Bordin sont sévèrement aux commandes. "You want it all but you can't have it. It's in your face but you can't grab it". C'est aussi un bretzel que Mike a failli se prendre dans la face pendant ce tube absolu et qu'il mâchonne tout en empoignant son tambourin. Roddy Bottum s'empare de l'électro-acoustique pour le second titre de Sol Invictus interprété, Black Friday. Le groove est là et l'interprétation à nouveau irréprochable. Puis, le groupe nous sort une intro a cappela créant une belle harmonie vocale. Mike Patton, en zen gourou, se permet même quelques notes de chant diphonique. Cela dérive vers Spirit, titre d'Introduce Yourself que Faith No More ressuscite plus régulièrement sur cette tournée. Il l'avait joué, par exemple, lors de leur fameux concert à Amoeba Music, magasin de disques de San Francisco, le 28 novembre 2014. Le groupe a vogué vers des territoires moins connus puis relance la machine avec le tube parmi les tubes, Midlife Crisis. Même si "I'm thirty something", pas de "sense of security" sur ce titre pour s'époumouner à chanter le refrain. Comme d'habitude, le groupe s'arrête pour que le public le reprenne seul puis de le jouer sur quelques mesures disco-funk et repartir de plus belle avec nous tous, Mike Patton en chef d'orchestre (ici). C'est rodé mais qu'est-ce que ça cartonne. They're perfect yes it's true !  


Angel Dust est toujours à l'honneur avec le plus inattendu Everything's ruined aux mélodies de piano bien efficaces. Puis arrive le climax du set. Depuis le début, ce voisin allemand a l'air d'apprécier le concert mais par exemple n'aime pas trop que par accident on lui marche (une ou trois-quatre fois) sur le pied. Mais ça c'était avant The Gentle Art of Making Enemies. "Don't say you're not because you are ... History tells us that you are" scandé l'index pointé puis subitement il déclenche le pogo, coudes en avant, sur le refrain. Une éruption accompagne chaque mot du texte et la tempête gronde dans le pit. "I never felt never felt so much alive". On se tape dans la main, le compteur au max et puis, sans trève, Easy ! On passe de l'orage au clair de lune en une fraction de seconde. L'"identité bâtarde" du groupe, Mike Patton en tête, touche le génie. On ne s'attendait pas forcément à Last Cup of Sorrow mais c'est une bonne surprise et aussi le seul titre joué d'Album of the Year avec le grand classique Ashes to Ashes qui a remporté un superbe succès. "Smilin'!" Faith No More est aussi en tournée pour présenter son nouvel album et la fin du set va lui être grandement dédié. Mike nous annonce d'abord "the cool one" pour.. Separation Anxiety. Quel plaisir de voir un groupe à la longue carrière accorder autant de concentration, d'implication, d'énergie pour des nouveaux morceaux. Sur ce titre puis pour Matador et Superhero (annoncé lui comme "the big hit"), la cohésion du groupe est éblouissante bien au delà de l'enchaînement standard couplet-refrain (si bons soient-ils) de morceaux plus connus. Sur les nouvelles compositions, le répertoire de Mike Patton est tellement large et impressionnant. A 47 ans, il est au sommet de son art, bonifié par ses années d'expérience en tous genres. 


On sait que Faith No More n'est pas du genre à minauder en rappel. Il ne faut pas s'attendre à Digging the Grave (joué parfois en fin de concert pourtant) comme passage obligé et ils reviennent sur Sol Invictus. Le groupe, Roddy Bottum en porte-parole, remercie le public qui, contrairement à leurs dates en festival, s'est déplacé en masse rien que pour eux. "On a joué avec Metallica, les gens ne viennent pas pour nous". Après quelques sifflets au nom des Four Horsemen, Patton et Bottum de répondre "non non respect à Metallica ils nous éclatent sur scène on est des bébés à côté". Mike de rajouter "we're like like bitches... what's the german for bitches ?! What ? (essayant de comprendre le premier rang) "wdouaojdakmhfh" ??". Faith No more reste ensuite dans le registre crooner avec la reprise de Burt Bacharach This guy's in love with you puis tient à nous faire danser et chanter une dernière fois sur We Care A Lot. Puis, concert en tête d'affiche oblige, les musiciens reviennent pour un second rappel avec la guitare de Roddy posée à côté de ses ordinateurs. Mike Patton, avec son sourire de sadique qui ne le quitte pas, reprend son tambourin : "when I take this thing, (you know) you're fucked ahah!". Comme sur le nouvel album, From the Dead résonne en conclusion. Il est temps de se désaltérer en ayant la sensation d'avoir assisté à un moment rare. A Men !

Texte et Photos : Cyrille Blanchard

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