Prague Alternative Tour

Une fois n'est pas coutume. Après Berlin, Londres et Paris, l'Alternative Tour n'est pas, à Prague, centrée sur le Street Art. Pourtant, c'est sûrement la guide la plus spécialisée dans le domaine qui nous emmène à rebrousse poil des circuits touristiques de leur Disneyland. Sany, réalisatrice pour les programmes culturels de la télévision publique tchèque, monte depuis 2009 son projet de documentaire sur le graffiti. Intitulé Girl Power, il va sortir début 2016 sur les écrans tchèques. Une fois le projet finalisé, il a reçu l'accord de diffusion sur HBO et pourra être acheté sur Itunes. Girl Power se défend d'être un projet féministe. C'est le nom que Sany et sa meilleure pote ont pris pour se faire une place au sein de ce milieu des années de cela. Pourtant, le film donne la parole aux graffeuses à travers le monde de Cape Town et Faith 47 à Sidney. Ce dimanche 25 octobre, avant de nous rejoindre, elle a passé 5-6 heures à réaliser le tag ci dessous reprenant le titre de leur documentaire sur le style du lettrage de Wild Style. Sorti en 1983, ce film de Charlie Ahearn est considéré comme le premier film à propos de la culture hip-hop. Authentique Sany tu es. Authentique ce tour sera.

Tout commence devant la vitrine de Tuzeks. Aujourd'hui, on y trouve des objets faits en cristal tchèque. Mais sous le communisme, c'était le magasin où l'on pouvait dénicher, sous le manteau, des produits en provenance de l'Ouest. Sany nous raconte comment sa mère était heureuse de pouvoir se procurer son premier jean. Elle collectionnait des dizaines de poissons en verre comme on peut toujours le voir ci-dessous mais porter un jean sous le communisme c'était autre chose !

La ballade nous amène vers le Roxy ou encore ce mur d'expression libre pour les graffeurs situé sous une quatre voies. Une personne vivant dans une caravane délabrée "surveille" ce parking pour espérer que la peinture de Sany reste un peu de temps sans être recouverte. La veille, une galerie a organisé une exposition sur ce lieu posant des panneaux sur les murs plutôt que de chercher à les bomber d'inventivité. On apprend que dans toute la République Tchèque 35 murs comme celui-ci sont laissés à disposition. Et le tout depuis la chute du communisme. 

En 2002, Prague a connu une inondation dévastatrice et meurtrière. La crue de la Vlatva avait ravagé plusieurs quartiers, inondé le métro qui fut fermé pendant 2 ans. Le quartier de Karlin était alors toujours habité par une population ouvrière locataire de leur logement. Après la catastrophe, beaucoup d'entre eux furent donc délogés et n'y sont pas retournés. L'occasion était idéale pour gentrifier le quartier.. En s'y baladant, des immeubles très anciens côtoient d'autres flambant neufs. Aujourd'hui, ce sont principalement des étrangers fortunés et de grandes entreprises qui peuvent se permettre de s'y installer. Demeurent encore quelques anciennes usines réhabilitées en galeries d'art avec ce cachet "industriel" qui plaît bien au fan hipster d'art contemporain. Les squats post communisme comme à Berlin Est deviennent rares. Sany, également investie dans des ONG, a vécu quelques années dans une usine désaffectée. Aujourd'hui, de retour d'une virée à Bucarest, elle reconnaît presque empreint de nostalgie que c'est "comme Prague dans les 90's!".

Enfin, nous voici arrivé au Institute of Cryptoanarchy. Le Ztohoven art group rassemble des activistes Anonymous. Régulièrement, à l'étage de ce bâtiment, se déroule des "hacker congress" où des "spectateurs" peuvent leur poser des questions par écran interposé. "La dernière fois que je leur ai demandé ce qu'ils faisaient en ce moment, ils m'ont répondu qu'ils pirataient le site internet d'Isis" ajoute Sany. Plus d'informations sur le site internet de Paralelni Polis ici. Les Ztohoven avaient fait parler d'eux particulièrement le 5 juin 2012 en piratant les téléphones portables des parlementaires. 585 sms arrivèrent sur les mobiles des députés, des journalistes, du président perturbant le déroulement de la séance. Des partis opposés recevant des messages les incitant à s'allier voire se laisser tenter par des tentatives de corruption. Les pirates prônèrent une réforme morale nécessaire pour la classe politique tchèque. Au rez de chaussée, est ouvert un joli Bitcoin cafe. On ne peut consommer dans ce lieu sans avoir des bitcoins. Il y a un distributeur à l'entrée permettant le change avec d'autres monnaies une fois avoir ouvert un compte. Quelques photos du lieu sont disponibles ici. Quand on voit la clientèle, on a quand l'impression de croiser une clientèle bien trendy et fashion. Et la cagoule n'y est pas encore tendance. Au sous-sol, nous visitons un 3D Print Free Lab. Les meubles sont faits en solides cartons (qui remplacent de plus en plus les palettes de bois dans les grands ports de marchandises) où sont posés des ordinateurs, des imprimantes 3D, le matériel nécessaire et quelques (petits) objets produits ainsi.

Et le parcours se termine au Cross Club, restaurant, boite de nuit, espace scénique, où se croisent les cultures alternatives. Les grands panneaux de publicité sont acceptés sur la façade du bâtiment car ils refusent les subventions et se sont plusieurs fois distingués par des actions philanthropes vers d'autres centres culturels. La décoration est particulièrement réussi avec un petit parfum Hellfest dans les structures métalliques.