Kobane Calling

Pour la première fois sur Band Meeting, il est question de bande dessinée. KOBANE CALLING est un ouvrage de ZeroCalcare, auteur italien. Le titre vous rappelle bien sûr le fameux album des Clash. Michele Rech, de son vrai nom, a réalisé moult affiches de concert pour des groupes punk et hardcore dans la région de Rome. Il vit à Rebibbia, en périphérie. Dans la capitale de l'Empire, il fréquente des centri sociali, squats politiques autogérés. Il en existe une quarantaine dans Rome et comme il est précisé dans le glossaire du livre, "c'est un élément important de l'identité de la ville". Intégré dans le milieu alternatif, il côtoie des activistes militant pour les droits de l'homme. Dans ce contexte, Calca' se retrouve au contact de défenseurs de la cause kurde. Avec plusieurs camarades au même background, le voilà embarqué vers la ligne de front de la guerre contre Daech, feutre en main. Jamais il ne se pose en BHL ou Bernard Kouchner. Sous son trait, il se présente comme un individu engagé certes mais parfaitement trouillard et immature. Il compare les combattants de l'Etat islamique avec les méchants de Ken le Survivant et un Irakien en charge d'un passage frontalier avec un personnage de Dragon Ball Z. Son confort occidental lui manque grave. Il a même des amis imaginaires avec qui débattre. Un mammouth, un tatou et un cochon. La traduction est très bien faite car on a l'impression de lire les réflexions d'un pote qui se trouverait sans trop savoir pourquoi à quelques kilomètres des combats avec tout ce que ça implique. Il faut qu'il se rattache à des repères comme ce tag' "1UP" à Kobané qu'il a vu aussi un peu partout dans Rome l'été dernier, réalisé par un crew de graffeurs allemands. On aime bien Calca' car il est un peu comme nous. Et comme lui, on assumerait moyennement de prendre des risques pour retranscrire la réalité du Rojava. Cette région est le nom donné au Kurdistan syrien à la frontière turque. Sur cette bande de territoire, existe un confédéralisme démocratique avec décisions collectives et une grande mixité. Les Italiens découvrent cette réalité à côté des Unités de Protection Féminines, les YPG. Au sein de la cause kurde, les combattants sont souvent des combattantes. Criminalisées par l'Etat Turc qui considère comme terroristes tous ceux qui défendent l'idée d'un Kurdistan indépendant. Régulièrement dans le livre, avec son style caractéristique, on en apprend à ce sujet. Il essaie de nous donner les informations qu'il a obtenu sur place. On le sent sous le charme et sous le choc tout en essayant de croiser les sources le plus possible. Mais comment ne pas connaître une certaine révélation, au plus près des troupes, surtout féminines, qui ont repoussé le monstre Daech des villes, villages, routes de Syrie et d'Irak. Il a dessiné avec ses souvenirs. On le voit demander que la voiture ralentisse pour qu'il puisse prendre plus de photos. Mais sur cette route, le chauffeur (dont le frère a été égorgé par Daech) ne peut s'attarder face au danger d'une attaque. Il essaie de prendre des notes mais il y a toujours la barrière de la langue et le recours à la traduction (avec l'intrépide Ezel, emprisonnée à 13 ans dans les geôles turques pour avoir revendiqué des droits pour son peuple et qui depuis se bat dans la clandestinité). De toute façon, la plupart des scènes doivent être gravées à vie dans son esprit. Kobane Calling est donc un témoignage subjectif. Le sujet est passionnant, résonne terriblement dans l'actualité. L'humour des dessins, des textes est désarmant.