Ouvert La Nuit

Le 7 juin 2000 sortait La Bostella, le premier film d'Edouard Baer. Dans un cinéma gillocrutien aujourd'hui disparu, il y avait deux spectateurs. Un peu plus à Nantes quelques temps plus tard quand des séances étaient à deux euros. Une autre époque où on regardait tant bien que mal, en clair, Nulle Part Ailleurs. On s'est marré devant Le Centre de Visionnage. Edouard Baer s'entourait de Chico, Maître Morissard, la Sorcière, Corinne 11 ans, Rigolax... Joseph Malerba était vachement plus marrant que dans Braquo. On a retrouvé toute cette folle troupe dans La Bostella, en "séminaire" pour créer un nouveau concept d'émission. On les a toujours suivi et la troupe a évolué. Certains l'ont quitté comme Patrick Mille. Certains ne l'ont jamais quitté comme Jean-Michel Lahmi, d'une "poule-rabbin" dans La Bostella au magnifique Théo Sarapos dans Ouvert La Nuit. Alors forcément, quand ce dresseur d'animaux tient un monologue sur sa relation avec son singe, on ne peut que jubiler. "Tu vois ça, allumer cette putain de clope, c'est 10 ans de ma vie." Impossible de rater aussi les très courtes apparitions de deux autres acteurs de son premier film dont le plus culte. Edouard, nous l'avons vu au théâtre. Beaucoup. La troupe s'est agrandie. Christophe Meynet se prenait des claques sur la scène du Grand Mezze, au théâtre du Rond Point de Paris de 2002 à 2003. "Comme le temps passe". Il s'en prend une magnifique dans les couloirs du théâtre de l’Étoile, que Luigi gère comme il peut. Et qui peut le plus peut le moins. Ou l'inverse. Avec son collègue Nader (qui a aussi deux répliques dans le film), Chris incarnait l'art de faire rire en ne faisant rien. "On lui sert à rien, ils nous gardent quand même" lâche son personnage admiratif du patron. Akoibon, son deuxième film en 2005 puis ses spectacles collectifs, La Folle et Véritable Vie de Luigi Prizotti en 2007, Miam Miam en 2009 ou A La Française en 2012 nous montraient toujours un Edouard aux rêves grands comme le monde mais aux moyens tout à fait asymétriques. Pat, Atmen Kelif, Alka Balbir et Christophe Meynet étaient autour de lui dans Miam Miam par exemple et sont au générique d'Ouvert la Nuit. Edouard est fidèle et élargit le cercle. Audrey Tautou, Sabrina Ouazani et Gregory Gadebois le rejoignent pour son nouveau film. Ils incarnent des personnages qui permettent de garder le cap. Comme le spectateur, ils ne comprennent rien à ce qui se passe mais savent au fond d'eux que ça ne peut pas mal se terminer. Faeza, stagiaire de Sciences Po, est l'antithèse de Luigi avec une vie millimétrée mais se laisse embarquer dans la nuit parisienne. Il faut trouver des solutions pour que la première du spectacle prévue le lendemain ait bien lieu, malgré les salaires impayés, la grève générale et un metteur en scène au bord de la crise. "On doit pas aller chercher l'argent là ?" "On a le temps.. profite c'est le plus beau coucher de soleil de Paris..". "Il a vécu en captivité pendant des années, il a droit de prendre le temps de boire un verre dans un bar un peu branché." Ce film est une déclaration d'amour à Paris. Celui qui nous est familier. Celui qui a souffert aussi. On est dans un bar près de la rue Chaligny. Celui qu'on croisait en sortant du métro, au retour du Grand Mezze.. Du Pont Alexandre III à Montreuil. Sur Radio Nova tous les matins, Edouard Baer apparaît comme un roi de l'impro. Cette image est vraie et lui va bien. Mais c'est aussi un bosseur intelligent. Les dialogues du film sont ultra écrits. Pour avoir vu tout le début deux fois (après une coupure de courant lors de la première séance, finalement annulée), avouons que ça marche encore mieux la deuxième fois. Ouvert La Nuit est aussi un film remarquablement réalisé. Certains plans sont absolument magnifiques. Edouard joue avec les lumières de la ville. Des feux de circulation, ceux arrière d'un taxi qui illuminent magnifiquement le visage de "la stagiaire du bar". Ce court moment quand Tina chante en italien au volant de son taxi avec Théo devant, Luigi et Faeza à l'arrière aurait pu être dans un film de Winding Refn. Certains choix musicaux de Raphaël Hamburger renforcent cette impression. Le choix de Luigi de porter une chemise rouge tout au long du film n'est pas un hasard. Chaque plan a une forte identité dans les tons, les sons.. Luigi ne sait pas bien où il va mais le cadre est cohérent dans l'incohérence. Qu'il soit en train d'essayer d'apprendre "une choré" ou qu'il se retrouve abîmé face aux sœurs Ibeyi. On en ressort avec plein d'images en tête et l'envie d'aller à Paris, au théâtre et boire des coups en terrasse. Soyons tous plus ouvert. Nuit et jour. 


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