GUNS N' ROSES - Estadio Vicente Calderon - Madrid - 04/06/2017

Entre le 17 juillet 1993 à Buenos Aires et le 1er avril 2016 à Los Angeles, Axl Rose et Slash n'ont pas joué sur la même scène. Irrémédiablement fâchés, les deux musiciens de GUNS N' ROSES s'entendaient sur le fait qu'une reformation n'arriverait que dans une autre vie. 23 ans après, la tournée Not in this Lifetime... est lancée. Un an plus tard, elle atterrit dans 19 stades européens après avoir traversé les États-Unis, l'Amérique latine, l'Asie et l'Océanie. De nouvelles dates sur le continent américain sont en vente jusqu'en novembre et le retour à Los Angeles. Pour le moment, plus de 2 millions de spectateurs ont assisté à un concert de la tournée et le compteur va continuer de s'affoler. Les "Guns" ont connu un succès gigantesque de 1988 à 1995. Puis, Slash a quitté le groupe en 1996. Duff Mc Kagan en 1997. Nous avions revu les deux musiciens ensemble sur scène en septembre 2004 au Bataclan avec Velvet Revolver (actif de 2002 à 2008) puis, chacun assez régulièrement au Hellfest avec leurs projets solo. Si l'association du guitariste avec Myles Kennedy laissait plutôt de marbre, c'était toujours cool de revoir Duff, surtout avec son dernier projet en date, Walking Papers. Axl Rose détenait la propriété du nom du groupe depuis l'ère Use Your Illusion. Même si le chanteur a beaucoup été critiqué pour cela, il a réussi à faire vivre le véritable héritage du groupe sur scène tout ce temps et finalement sortir un nouvel album en novembre 2008. Chinese Democracy, terriblement sous-estimé, regroupe des pépites de rock nerveux, virtuose et catchy. Nous connaissions déjà des extraits qui avaient filtré vers nos lecteurs mp3 (T.W.A.T.). Et surtout, Guns n' Roses nous avait tous réunis à Bercy le mardi 20 juin 2006. Fébriles de revoir notre idole et de découvrir enfin sur scène son nouveau groupe. Nous n'avions pas assisté à quelques dates épisodiques de 2001-2002. Mais cette fois-ci, Axl est de retour pour de bon. Il s'était entouré de deux guitaristes que nous adorons : Robin Finck et Ron Thal. Le premier laissa ensuite sa place à DJ Ashba mais jamais nous oublierons son look raëlien si différent de ses prestations avec Nine inch Nails. Et Izzy Stradlin les avait rejoint sur scène. L'attitude était encore borderline et Axl avait explosé les horaires. Beaucoup avaient du quitter le concert avant la fin pour choper le dernier train mais pour les chanceux qui habitaient près de Bercy, le retour à pied s'était fait en lévitation. Quel concert ! Puis, il y a eu Lille en 2010 (ici) et le Hellfest en 2012 (ici). Certes, les Guns n' Roses ramenaient moins de spectateurs mais l'interprétation absolument remarquable et l'émotion intense. Puis, en janvier 2016, après des signes allant dans ce sens (Duff Mc Kagan qui rejoint le groupe sur plusieurs concerts), le trio mythique Axl-Slash-Duff annonce sa réunion. Slash adoube Chinese Democracy et les musiciens qui ont joué avec Axl en son absence : Frank Ferrer, Richard Fortus, le fidèle Dizzy Reed. La jeune Melissa Reese, proche de Bryan Mantia batteur des Guns en 2006, complète le line-up aux synthés et chœurs. Izzy Stradlin est le seul à regretter l'offre inconséquente du groupe pour son retour. Steven Adler, le cinquième membre originel, est lui intervenu depuis sur scène pour quelques titres d'Appetite for Destruction mais quand on voit le groove de Frank Ferrer, on ne regrette vraiment pas le choix d'Axl. Dimanche 4 juin 2017, les idoles d'une génération posent leurs flight-cases à Madrid. 

Nous n'allons pas nous attarder sur les concerts des premières parties. Tyler Bryant & the Shakedown fait le taf' comme avant AC/DC avec Axl l'an passé. Mark Lanegan est vraiment hors-sujet, statique et laissant indifférent une foule profitant du soleil madrilène et des dernières heures du stade de l'Athletico de Madrid, bientôt démoli. Si les supporters du Real faisaient la fiesta à Cibeles la veille, d'autres portent fièrement la camiseta des Colchoneros. Les temps changent et dès 21h les écrans s'animent de fusils et de roses. Les hommes sont postés en haut des poursuites. 50 000 spectateurs sont prêts. La ligne de basse de It's So Easy les fait chavirer. Le son est bon et puissant. L'arrivée d'Axl propulse les 3 heures de bonheur à venir. Taillé pour jouer dans des stades et en forme comme jamais, Axl Rose nous bluffe d'entrée sur les titres mythiques d'Appetite for Destruction. Après Chinese Democracy qu'il s'approprie totalement, Slash fait sonner les notes légendaires de Welcome to the Jungle. Les téléphones sont brandis pour ne pas rater "You know where you are ? You're in jungle Madrid ! You're gonna diiiiiiiiiiiiiiiie". Les corps se chauffent, à gorge déployée. Une ambiance incroyable. La setlist enchaîne avec un titre qu'Axl ne jouait pas sans Slash puis un autre que Slash n'a pas composé. Les deux titres sont extended avec une outro rallongée pour Double Talkin' Jive et une intro modifiée pour Better. Slash s'éclate comme un fou. Les morceaux qu'il pouvait difficilement jouer sans Axl lui donne aujourd'hui une place dingue pour enchaîner les notes. Et il est sympa de taper le solo en extrémité de scène pour les spectateurs à visibilité très réduite. Puis, tout le stade explose sur Live & Let Die et la fameuse note tenue d'Axl lançant le riff et qu'on s'amuse à accompagner. Fantastique. Ensuite, le son passe de très bon à absolument excellent sur les premières notes d'Estranged. Ce morceau culte de près de 10 minutes est une pierre angulaire du répertoire. Axl et Slash se répondent magistralement. Rocket Queen a aussi droit à une version extended. Duff est presque funk et Slash nous livre un long solo en talk box. Axl-Duff-Slash ont la cinquantaine mais sont aujourd'hui des musiciens beaucoup plus accomplis que dans les 90's. Le frontman annonce qu'ils vont calmer un peu le jeu et bam! You Could Be Mine ! (et de très bons chœurs de Melissa). Duff va ensuite avoir son moment et le fiévreux Attitude (cover des Misfits) avant Axl et This I Love, démonstration de technique qui offre également un superbe solo à Slash. La setlist bouge peu depuis leur première date européenne à Dublin le week-end précédent. Nous attendons donc fébrilement le sample d'intro de Civil War. Pour combien de chansons les fans présents se disent "ah c'est ma préférée". Les Guns n' Roses ont une collection de tubes vraiment impressionnante. Et Axl vit tous les morceaux. Ne portant que très rarement ses lunettes de soleil, on peut voir dans son regard l'intention qu'il donne aux lyrics. Chris Cornell a été retrouvé mort le jeudi 18 mai. Le 27 mai, à Slane Castle, en hommage, les Guns n' Roses ajoutait une reprise de Black Hole Sun à leur setlist. A Madrid, Dizzy Reed la débute dans sa version saloon de la série Westworld. Cette reprise est interprétée avec justesse et sobriété. L'écoute des morceaux de Soundgarden et d'Audioslave provoque en nous beaucoup de tristesse aujourd'hui mais entendre ce tube ainsi joué par les Guns lui permet d'entrer au Panthéon. Sans une seconde de répit (comme pendant tout le show), les battements de cœur de Coma se font entendre. Ce titre de plus de 10 minutes n'était pas joué sans Slash. Aujourd'hui, c'est une des grandes valeurs ajoutées de la reformation. Fou et un brin déstructuré, le morceau est interprété à la perfection. Et que dire du solo vocal final d'Axl de 2 minutes qui concluait Use Your Illusion 1. Si les référendums existaient encore dans les magazines spécialisés, je cocherais toujours et encore son nom pour le meilleur chanteur. Il n'est pas du genre à faire chanter la foule (qui l'accompagne pourtant tout le temps). Il pense et chante chaque note à fond. Et c'est à Slash de commencer son solo sur du Chuck Berry avant d'enchaîner sur le thème du Parrain comme à la grande époque. Et puis on sait ce qui vient derrière. L'intro de Sweet Child O' Mine arrache les cris du stade. Axl débarque avec un t-shirt chaton du plus belle effet. La foule devient folle : "Where do we go ? Where do we go now ?" (ici). Puis, on a soudainement l'impression d'être de retour dans un bar de L.A. pour une version furieuse et écorchée d'Out To Get Me. Richard Fortus et Slash rejoignent le haut de la plateforme pour une belle version instrumentale de Wish You Were Here. Et tout à coup un piano a rejoint la scène. Ni vu ni connu. Axl y est assis tout d'abord pour suivre Slash sur Layla. On finit par l'entendre sur les dernières notes qui précèdent bien évidemment November Rain superbement mis en son et en image sur les écrans. Les couples s'enlacent. Des femmes pleurent. Des hommes aussi. Et ce n'est pas le plus grand solo de Slash dîtes-moi ? On l'a écouté combien de fois ado celui-ci aussi ? Et tous les classiques n'ont pas encore été joués. Axl profite de quelque secondes pour présenter les musiciens. "Dizzy Fuckin' Reed". "Je ne devrais pas l'appeler comme ça mais ses parents sont d'accord. Ils m'encouragent même à le faire. Surtout sa mère!". Knock Knock Knockin' on Heaven's Door. Knock Knock Knockin' on Heaven's Door. Knock Knock Knockin' on Heaven's Door. Le groupe et le public ne veulent plus se quitter. Pourtant, il est l'heure du Nightrain. "I love that stuff, I can never get enough". 2 heures 30 de set qui ont passé à la vitesse de la lumière. On sait que le groupe varie les plaisirs pour les trois titres habituels du rappel. On espère There Was A Time ou Whole Lotta Rosie, joués à Dublin ou Lisbonne. Mais encore un grand classique déboule : Don't Cry. The Seeker est plus dispensable mais passe bien. Axl nous fait comprendre que ce n'est pas un couvre-feu qui va l'empêcher de jouer non pas trois mais quatre morceaux en rappel. Patience. Paradise City clôt la soirée dans une explosion de feux d'artifices, de confettis et de sourires. Le groupe revient saluer, conscient de l'immense carton du soir. Slash fait le poirier pour quitter la scène. Depuis dimanche, des dizaines de vidéos filmées par les spectateurs inondent You Tube témoignant de cette soirée historique. GUNS N' ROSES est de retour. Ce n'est peut-être plus le "groupe le plus dangereux du monde" mais nous sommes aujourd'hui les fans les plus heureux de la terre. 

Cyrille Blanchard