The Eddy

The Eddy est une nouvelle série Netflix produite par Damien Chazelle qui a également réalisé les deux premiers épisodes. En ne filmant pas en numérique, il s'est émancipé du cahier des charges de la multinationale américaine. Ce choix fait toute la différence à l'image. A cela s'ajoute un son d'orfèvre. En effet, Damien Chazelle a souhaité que The Eddy, le jazz band de la série, joue en live et cela même quand des prises de dialogue s'effectuent de façon concomitante. Cette prouesse a été possible grâce au casting de savant techniciens du son comme Stéphane Bucher et Thomas Desjonquères (césarisé pour Le Chant du Loup, chef d’œuvre acoustique). Cette ambition saute aux oreilles dès les premiers épisodes au réalisme bluffant. Pour réussir ce pari, d'excellents musiciens ont été réunis pour jouer dans ce club de jazz parisien, The Eddy. La qualité de la musique se projette au-delà de la bande originale signée par Glenn Ballard et Randy Kerber. Pianiste du groupe, à l'image, ce dernier est crédité dans un nombre considérable de films à succès dont La La Land. C'est aussi lui qui, par exemple, joue les notes de piano sur les scènes d'ouverture et de fin de Forrest Gump. Il a joué avec les plus grands dont Michael Jackson, ce qui crée le lien avec Glenn Ballard, qui a participé aux albums de Michael Jackson à la console et également à l'écriture (Man in the Mirror). Glenn Ballard a également produit et co-écrit Jagged Little Pill d'Alanis Morrissette, succès planétaire. Même si le disque ne trônera pas forcément dans notre top 2020, il y a du niveau. Pour interpréter ces titres, on retrouve Lada Obradovic à la batterie (qui vient de sortir un excellent disque avec Sylvain Tixier), Randy Kerber au piano donc, Ludovic Louis  à la trompette (après 10 ans dans le groupe de Lenny Kravitz, à côté par exemple de Gail Ann Dorsey, il sort le single Missing You, annonciateur de l'album solo Rebirth), Damian Nueva à la contrebasse (dont le titre, Todo La Gente a été publié le jour de la sortie de The Eddy également), Jowee Omicil au saxophone (son dernier album Love Matters! date de 2018) et Joanna Kulig, plus connue pour ses rôles que ses chansons mais qui avait crevé l'écran en chanteuse dans le film Cold War et qui a suivi une excellente formation musicale en Pologne. Ce n'était d'ailleurs pas nécessaire d'inviter Jorja Smith et St Vincent sur la bande originale. Ce groupe assure parfaitement. Il est dirigé par Elliot Udo, personnage, lui, fictif. Les différents épisodes nous font vite comprendre que c'est une légende de la scène jazz américaine, signé chez Blue Note, tête d'affiche mémorable à Village Vanguard.. L'homme est exigeant avec ses musiciens pour qui il écrit les morceaux, sans vouloir les interpréter. Cette zone d'ombre plane sur l'ensemble de cette saison. Il nous fait penser à Edouard Baer, dans son film Ouvert la Nuit et tous ses récents spectacles. Rien ne va dans ce club de jazz et pourtant il faut toujours ouvrir. Pour lui, pour moi comme pour beaucoup, la salle de concert est un sanctuaire, un cocon. L'attentat du Bataclan y a violemment fait entrer l'insécurité. Le 14 novembre 2015, le jour d'après, j'assistais aux concerts de Jeanne Added, Aaron..mais je ne suis d'ailleurs jamais retourné au Bataclan. Une intrigue rampante de thriller mafieux parcourt cette saison mais les portes restent ouvertes. Ce rideau de plastique, cette rue où les gens se pressent pour vivre une nouvelle soirée de spectacle.. vivant. Tout est secondaire à part le live. Cette volonté militante de tout faire pour que le club de jazz puisse survivre résonne fortement dans le contexte que nous traversons. The Eddy est une série de huit épisodes qui existe pour les amoureux de musique, pour les amoureux de la musique live, pour ces moments que nous souhaitons, plus que tout, voir renaître. Je n'ai pas le souvenir de temps aussi long accordé dans une série ou un film à l'enregistrement de prises batterie, de prises voix, de prises basse... C'est aussi une plongée dans les territoires franciliens. La série The Eddy ne magnifie pas la vie de musicien et ne cache pas la délinquance, la précarité, du logement par exemple. Mais elle ne cache pas non plus l'amour filial, la solidarité et l'esprit d'initiative. Adil Dehbi et Amandla Stenberg (Hunger Games et surtout The Hate U Give) forment un duo plein de ressources et apportent une vraie fraîcheur à cette série de "musique d'ascenseur". La scène "Mika au mariage" est à ce propos un bon moment d'auto-dérision. Il est bon aussi de signaler le mix très réussi (et aussi très rafraichissant) des dialogues en anglais-français-franglais, bien plus honnêtes que dans d'autres séries à succès. Pour revenir à la musique et au quotidien qui nous manque, je tiens à rappeler qu'à chaque fois que je rentre de répétition, je croise le regard de Leila Bekhti, reine de la fresque du Royal et merveilleuse actrice (pour une fan de Céline Dion). Dans la série The Eddy, elle forme avec Tahar Rahim un couple qui semble inoxydable. 



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